Après avoir constaté les dégâts du Mediator, qui a fait au moins 500 morts, la pneumologue Irène Frachon a été l'auteure d'une étude qui aboutira à l'interdiction de ce médicament en 2009. L'année suivante, elle publiera un livre, Mediator 150 mg, Combien de morts ?
«J’ai appelé jeudi dernier à voter Macron, lors d’une manifestation contre le FN à Brest. Pas parce que je partage ses convictions, mais parce qu’il fallait écraser le FN. Auparavant, je m’étais opposée deux fois à Macron. Une première fois lors de sa loi, à propos d’un amendement de Richard Ferrand sur le secret des affaires. Nous avions été nombreux à nous mobiliser contre les dangers de cet amendement. Il a été retiré par la suite. Puis, lors de l’affaire Jean-Jacques Mourad, conseiller de Macron sur la santé qui était en même temps rémunéré par Servier… C’est tout ce que je combats : la proximité du corps médical avec l’industrie pharmaceutique. Dans cette affaire, je suis montée au créneau rapidement pour dénoncer le conflit d’intérêts. Je ne sais pas si Macron est au courant du dossier du Mediator et de la criminalité de Servier. Je ne l’ai jamais entendu en parler. Lors de l’affaire Mourad, je lui ai adressé une lettre dans laquelle je l’alertais sur les conflits d’intérêts. En réponse, il m’a proposé de rejoindre le comité d’éthique de son futur cabinet. J’ai refusé car je souhaite garder mon indépendance.
«Je trouve que Macron est un personnage ambivalent. Il s’entoure de personnes très bien, comme Jérôme Salomon avec qui j’ai eu l’occasion de travailler dans le cabinet de Marisol Touraine, et en même temps, il y a des affaires comme celle de Jean-Jacques Mourad. Mais c’est aussi quelqu’un d’intelligent et de souple intellectuellement. Sa réactivité lors de l’affaire Mourad l’a montré : il a immédiatement décidé du départ de son conseiller. Après, quelle fermeté de conviction opposera-t-il aux intérêts des industries pharmaceutiques et à la corruption du corps médical ? Je n’en sais rien.
«Ses idées libérales doivent être nuancées. Un libéralisme aussi fort ne peut pas être appliqué à la santé. Jusqu’ici, tous les cabinets ont été infiltrés par les sbires de l’industrie pharmaceutique. Il faut que ça change. Même si je suis certaine que les lobbys piaffent déjà devant son cabinet.»
DROIT DE RÉPONSE DE JEAN-JACQUES MOURAD (08/06/2017)
« Ma collègue Irène Frachon, m’a mis en cause dans l’interview qu’elle vous a donnée le 7 mai dernier, estimant qu’il y aurait une « affaire Jean Jacques Mourad », pour avoir été conseiller de Macron, sur les questions de santé, et même temps, rémunéré par les laboratoires Servier. Elle affirme qu’il s’agirait d’un conflit d’intérêts, et même d’une manifestation de la « corruption du corps médical.
Je tiens à apporter à vos lecteurs les précisions suivantes : Les contrats que j’ai, comme beaucoup de mes collègues, avec l’industrie pharmaceutique, n’ont jamais influé sur la nature de mes contributions scientifiques, notamment lors de ma participation au groupe santé d’Emmanuel Macron. J’y ai principalement proposé de restaurer l’inscription de l’hypertension artérielle sévère sur la liste des affections de longue durée ; ce qui ne profiterait en rien à l’industrie pharmaceutique, ni aux laboratoires Servier en particulier, mais avait pour objectif de lutter contre une inégalité sanitaire visant les hypertendus les plus précaires, non couverts par une mutuelle.
Quand à mes liens avec les laboratoires Servier, je ne les ai jamais cachés : j’ai coordonné des études cliniques, et réfléchi à des molécules en développement et les aide dans leur communication sur les molécules dans l’hypertension artérielle, qui n’ont jamais causé la moindre inquiétude, et qui n’ont strictement aucune connexion avec le médicament Médiator.
Enfin, si je me suis retiré de la campagne d’Emmanuel Macron, c’est spontanément et sans que cela ne me soit imposé par quiconque ; et ce, afin de ne pas risquer de nuire à son élection. »