Petites explications sur ces formules désuètes et expressions en tous genres qui ont rythmé les discours politiques lors de la campagne présidentielle.
«Pudeur de gazelle»
Punchlines et formules chocs ont rythmé le premier débat qui opposait cinq des candidats à l'élection présidentielle. Parmi elles, l'expression «pudeur de gazelle», utilisée par Jean-Luc Mélenchon à l'encontre d'Anne-Claire Coudray et Gilles Bouleau, les journalistes qui ont animé ce rendez-vous politique.
«J'ai admiré vos pudeurs de gazelle quand vous dites que la campagne a été polluée par les affaires de certains d'entre vous», avait soutenu Jean-Luc Mélenchon. On connaissait l'expression «courir comme une gazelle» mais pas vraiment «la pudeur de gazelle». La formule quelque peu déconcertante qui ne figure pas dans les expressions françaises recensées semble être propre au candidat de La France insoumise. En 2010, il l'avait déjà utilisée dans un billet de blog.
"Pudeur de gazelle". Je découvre. Déjà utilisé par Mélenchon en 2010 sur son blog. https://t.co/eKaYenKxLd pic.twitter.com/ko8AKGFKs9
— Ivan Valerio (@ivalerio) March 20, 2017
«Il utilise la symbolique de la gazelle, un animal associé à la douceur, la fragilité, la féminité. Et il part du principe qu'un tel être est pudique en plus. Il aurait pu dire une pudeur de vierge. C'est un peu sexiste», explique Delphine Gaston-Sloan, auteure du livre le Pourquoi et le comment de nos expressions françaises, dans une interview donnée au Parisien.
«Cabinet noir»
«Y'a un livre qui sort ces jours-ci [Bienvenue Place Beauvau. Police : les secrets inavouables d'un quinquennat, ndlr] dont j'ai pu lire les bonnes feuilles, qui, en 240 pages, explique comment François Hollande fait remonter toutes les écoutes judiciaires qui l'intéressent à son bureau. On cherchait un cabinet noir, on l'a trouvé», avait affirmé François Fillon au micro de France Inter, en avril dernier.
Le terme «cabinet noir» désignait un bureau de renseignement consacré à l'inquisition postale. Ce service est apparu sous l'Ancien Régime, sous le terme de «Cabinet du secret des Postes». Chargé de contrôler les correspondances postales, ce local avait pour but d'intercepter les courriers afin de repérer puis d'arrêter tout opposant politique. «Son infâme spécialité consistait à amollir les cachets et violer le secret des correspondances privées. […] Les serviteurs de la monarchie se firent longtemps un jeu de ce crime, qu'ils exploitèrent largement pour perdre de bons citoyens, complaire au roi et à ses maîtresses et grossir le nombre des victimes de la Bastille», peut-on lire dans le Dictionnaire encyclopédique de France.
Le service demeura ainsi actif sous la Révolution, le Premier Empire, la Restauration, la monarchie de Juillet et le Second Empire. En 1848, une réforme postale a entraîné la multiplication des boîtes aux lettres, permettant ainsi à chacun de recevoir personnellement son courrier. La liberté de correspondre était en marche et a mis fin aux agissements du cabinet noir.
«Immunité ouvrière»
La petite phrase de Philippe Poutou envers Marine Le Pen avait fait couler beaucoup d'encre. Dénonçant l'immunité parlementaire de la candidate frontiste, il avait répliqué : «Quand nous, on est convoqué par la police, nous ouvriers par exemple, on n'a pas d'immunité ouvrière, désolé, on y va.» Cette immunité ouvrière pourrait d'ailleurs faire son entrée à l'Assemblée nationale. Le député communiste du Nord Jean-Jacques Candelier vient de présenter une proposition de résolution exigeant la création de cette immunité.
«La poudre de perlimpinpin»
«La fermeture des frontières, ça ne sert à rien. […] Ce que vous proposez, comme d'habitude, c'est de la poudre de perlimpinpin», s'est énervé Emmanuel Macron, lors de son débat avec Marine Le Pen. Sur les réseaux sociaux, cette phrase avait fait sourire les internautes qui s'étaient étonnés du retour de cette «vieille expression». Mais d'où vient cette poudre de Perlimpinpin ?
-Eh Manu, si tu places "Poudre de Perlimpinpin je te paye un domac
— Alex Voce (@AlexVoce) May 4, 2017
-Oké pic.twitter.com/4siS9g5C35
Selon le Centre national de ressources textuelles et lexicales (CNRTL), la formule fait référence à «un médicament inefficace, une chose illusoire». Elle était utilisée jadis pour désigner les poudres vendues par les charlatans comme dotées de vertus merveilleuses. Considérée comme familière, elle est depuis tombée dans le langage courant. «Perlimpinpin» serait une onomatopée qui évoquerait une formule magique.
«Galimatias»
Lors du dernier débat présidentiel, Emmanuel Macron a multiplié les références littéraires et exploité des termes de la langue française peu utilisés dans ce cadre. Lors de leur échange sur la politique internationale, le candidat d'En marche a accusé Marine Le Pen de ne pas répondre à la question posée : «Vous répondez sur Monsieur Trump et Monsieur Poutine ? Là, c'est vraiment un galimatias.»
Nouveau fact check : que veut dire galimatias #2017LeDebat pic.twitter.com/BW0HvALTm9
— Jonathan Bordas (@JonathanBordas) May 3, 2017
Selon le petit Larousse, «galimatias» désigne un discours ou écrit embarrassé, inintelligible. L'origine du mot, qui aurait fait son apparition à la Renaissance humaniste, est floue. Une anecdote relate qu'il aurait été utilisé par un avocat plaidant en latin pour un «Mathias» dans une affaire où il s'agissait d'un coq. «Gallus» signifiant «coq», il aurait voulu dire «le coq de Mathias» mais s'embrouilla au point de dire «galli Mathias» au lieu de «gallus Mathiae». Le terme serait resté pour désigner une allocution confuse.
«Schlague»
Lors du dernier débat présidentiel, Marine Le Pen a critiqué la vision de l'Europe de son adversaire. «C'est l'Europe à la schlague. C'est celle de Merkel», a balancé la candidate. Une schlague peut être utilisée pour qualifier une manière brutale pour se faire obéir. Pourtant, ce terme peut revêtir plusieurs sens. Comme l'explique le petit Larousse, la «schlague» désigne également «un châtiment autrefois usité en Allemagne et qui consistait en coups de baguette sur le dos du fautif».
Très vite, Emmanuel Macron réplique en sommant Marine Le Pen de ne pas utiliser ce terme qui pourrait faire débat. Une allusion également critiquée par l'historien et spécialiste de l'histoire du système concentrationnaire, Robert Steegmann, dans une tribune envoyée au journal Dernières Nouvelles d'Alsace : «Madame Le Pen, user hier soir de l'expression de «schlague», adressée à votre contradicteur, est pour moi intolérable. Au nom de tous ceux qui eurent à subir cette schlague qui, dans l'ancien camp de concentration de Natzweiler n'était pas un effet de discours, je m'élève contre l'indignité de vos propos et votre prétention à nous représenter.»
«Dégagisme»
Le mot «dégagisme» a été utilisé en janvier 2017 dans un billet de blog publié par Jean-Luc Mélenchon, au lendemain de la victoire de Benoît Hamon aux Primaires citoyenne de la Gauche. «Valls valse, encore une victoire du dégagisme», écrit le candidat de La France insoumise.
Le terme ne figure pas dans le dictionnaire. Il s'agit d'un néologisme popularisé en Tunisie, lors du printemps arabe de 2011. Il appelait à chasser du pouvoir le président Ben Ali. Il s'inspire du slogan «dégage» scandé dans les rues lors de ce mouvement de contestation populaire.
«Sauts de cabri»
Lors de sa prise de parole sur le dernier débat télévisé, Emmanuel Macron a utilisé l'expression «sauts de cabri». «Je ne tombe pas comme vous dans le piège des sauts de cabri», s'est exclamé le candidat.
«Sauts de cabri.» La métaphore n'est pas nouvelle dans le discours politique. En 1965, en évoquant la construction de l'Europe, le général de Gaulle avait déjà utilisé cette formulation : «On ne fait pas de politique autrement que sur des réalités. On peut sauter sur sa chaise comme un cabri en disant l'Europe, l'Europe, l'Europe mais ça n'aboutit à rien.»