Un inconnu de 39 ans à l'Elysée ? Un scandale pour François Baroin, 51 ans et nouvel homme fort d'une droite en plein doute. Fils spirituel de Jacques Chirac et exécuteur testamentaire de Nicolas Sarkozy, le sénateur et maire LR de Troyes professe depuis de nombreuses années que la politique est affaire d'expérience et d'ancienneté. Que l'on ne devient pas général sans avoir été colonel. C'est pourquoi il ne cesse de se désoler de «l'immaturité» du nouveau président.
«Il faut trente ans pour faire un président de la République», répétait-il après la défaite de 2012, ajoutant qu'il était par conséquent inutile, pour 2017, d'aller chercher le champion de la droite en dehors du trio Sarkozy-Juppé-Fillon. Son tour à lui, assurait-il, viendrait en 2022. Il aurait alors le bel âge, celui de la pleine maturité politique : 57 ans, dont une trentaine en tant qu'élu.
Depuis l'élimination de ses trois aînés, le plus si jeune Baroin se trouve propulsé sur le devant de la scène. Normal : trois fois ministre et président de l'Association des maires de France, n'est-il pas l'un des plus capés de la droite ? En sa qualité de chef de file de la campagne des législatives, il se fait fort de donner à sa famille une majorité absolue à l'Assemblée. Il serait alors en situation, en tant que Premier ministre, d'imposer la «vraie alternance» que Macron, «l'héritier de Hollande», serait incapable de conduire.
Mardi matin, Baroin célébrait «l'unité de la droite et du centre» lors de la présentation d'un projet de gouvernement rédigé en moins de quinze jours par Eric Woerth. Lequel met en avant la défense du pouvoir d'achat, et non plus la baisse de la dépense publique promue par les deux finalistes de la primaire. Au siège du parti, Baroin était exclusivement entouré de sarkozystes, les juppéistes et les fillonistes brillant par leur absence. De quoi relativiser «l'unité» affichée.
Assez logiquement, la division de la droite se cristallise, depuis dimanche, autour de l’opposition entre lui et Bruno Le Maire, 48 ans. D’un côté, celui qui veut imposer un gouvernement LR-UDI au jeune Macron ; de l’autre, celui qui propose de collaborer. Cet affrontement en rappelle un autre : en juillet 2011, les deux hommes s’étaient opposés pour décrocher le portefeuille de l’Economie, après le départ de Christine Lagarde. Sarkozy avait décidé de promouvoir son ministre de l’Agriculture, énarque polyglotte réputé pour son efficacité. Furieux, Baroin, son ministre du Budget, lui avait fait une scène : n’était-il pas le plus ancien ? L’éternel jeune premier de la droite avait obtenu gain de cause. La hiérarchie était respectée. Pas sûr qu’elle le restera dans le quinquennat qui vient.