Depuis le 7 mai, l'Hexagone est en proie à un orgasme esthétique quasi collectif, rapport à l'accorte apparence d'Emmanuel Macron. Car la France tiendrait enfin son JFK, voire son Obama - ou serait-ce Justin Trudeau ? Ne pas trouver le 8e président de la Ve République bel homme : niet, hérésie, c'est procès garanti en mauvaise foi de perdant bilieux. Comme si, par un effet de miroir, l'un des pays les plus saturniens et autodépréciatifs du monde, addict aux tranquillisants, vivait là un lifting inespéré avec le ravissement d'un candidat de télé-réalité de chirurgie esthétique - après opérations, s'entend. Le premier représentant de la France (et, partant, la France elle-même) peut être jeune et joli, aussi frais et conquérant que les gardons anglo-saxons, voire aussi cool : une première. Non, une révolution : exit le prototype du cacique rondouillard et/ou déplumé, mais aussi le joggeur à talonnettes et tee-shirt FBI, place à une créature inédite qui aurait réussi l'amalgame entre l'autorité et le charme. Hum. Il est certes embarrassant d'avoir un père (de la nation) à la cravate fatalement de traviole, sur lequel le pigeon aime à fienter et la pluie tomber. Mais il faut resdescendre : avec Emmanuel Macron, c'est le club des proprets que la France intègre, pas la Ligue 1 du style.
«Vous, avec votre pognon, vous achetez des costards», lui avait balancé en mai à Lunel (Hérault) un gréviste de la CGT, syndicat auquel Macron reprochait de «bloquer la France». «La meilleure façon de se payer un costard, c'est de travailler», avait riposté le candidat courroucé. Les siens, depuis trois ans et son entrée au gouvernement, ont la bonne idée de ne pas coûter un salaire, contrairement à ceux de son moi banquier précédent : fabriqués par une enseigne du Sentier, Jonas & Cie, ils oscillent entre 340 et 380 euros quand les Arnys de Fillon commencent à 6 000 euros. C'est son épouse qui les choisit, le plus souvent bleu marine ou noirs. Ils associent pantalon étroit et veste ajustée, sur une chemise bleu ciel ou blanche, avec une cravate plutôt étroite (moins de 6 cm de large), bleue, noire ou grise, quand le banquier se permettait des bouffées de rose. Bref, de la tenue corporate classique, rien de bouleversifiant.
Ce qu'on concède : Macron la porte avec tant de naturel que lorsqu'il apparaît en pull camionneur dans les rutilantes Coulisses d'une victoire, il semble en pyjama. Et quand il s'expose dans Paris Match à la plage, en caleçon de bain à pois et polo, avec sa femme en maillot une pièce à imprimé hawaïen, il paraît carrément nu. Sa silhouette le permet, 1,73 mètre svelte. Le tennis pratiqué au Touquet joue peut-être, de même que la proscription des «cochonneries» type chocolats par Brigitte Macron. Il demeure que l'impétrant à regard translucide et fixe, très robot de la série Real Humans, n'exsude pas la décontraction innée des JFK-Obama-Trudeau. Surtout pas dans l'écrasant manteau de l'interminable arrivée au Louvre, aux échos bien mitterrandiens. Mais on est également loin de l'archétype de l'homme chic français, charmant un poil froissé. Macron, dans l'apparence aussi, est un mix, à la croisée des influences.
A l'inverse, la ligne de sa femme est claire, affûtée comme sa silhouette impeccable : rock, près du corps, et pourquoi pas pointue, comme l'atteste son partenariat avec le Vuitton de Nicolas Ghesquière, qui lui prête gratuitement des vêtements. C'est carrément Delphine Arnault, directrice générale de la marque et fille du patron du groupe LVMH, qui la conseille, et ça donne notamment la très remarquée veste zippée à col métallisé du Louvre. La prochaine première dame est tous terrains, apte à se percher sur des stilettos autant qu'à s'afficher bien dans ses baskets. Seul faux pas : le bronzage perpétuel, qui lui a valu un cinglant «cagole» du Financial Times, et de fait discordant avec l'ode aux peaux pâles en cours.