Olivier Brachet connaît bien Gérard Collomb, le nouveau ministre de l'Intérieur. Fondateur et directeur général pendant vingt-cinq ans de l'association Forum Réfugiés, basée à Lyon, il avait rejoint le monde politique pour prendre en charge les questions de logement et de politique de la ville dans la métropole lyonnaise. Démissionnaire en 2015, pour cause de «désaccords profonds» avec la politique du maire de Lyon, Olivier Brachet pose un regard aiguisé sur les positions du nouveau ministre sur les questions migratoires.
Comment Gérard Collomb s’est-il positionné et a-t-il agi pour les réfugiés depuis l’accélération des flux migratoires en 2014 ?
Il n’a pas levé le doigt très haut au moment de la crise de Calais. Quant à Lyon, deuxième ville de France, le nombre de réfugiés relocalisés qu’elle a accueillis se compte sur les doigts des deux mains. Plus globalement, cette question ne l’a pas trop intéressé. Gérard Collomb n’a pas une vision d’ouverture sur les questions migratoires. Il faudrait qu’il prenne conscience que les gens circulent, et pas seulement les capitaux. Sur le fond, quelqu’un comme Laurent Wauquiez, en région Auvergne-Rhône-Alpes, n’a pas de pudeur à exprimer sa position. Il pense que plus on en fait pour les migrants, plus ils sont nombreux à venir. J’espère que Collomb ne tient pas ce genre de raisonnement, mais je n’en ai pas la preuve.
En 2016, interrogé par Rue89, Gérard Collomb expliquait qu’à Calais, «il y a des gens en situation de fragilité et d’autres venus par opportunité». Cela reflète-t-il sa position ?
Je crois qu'il a hérité d'un arsenal intellectuel remontant à la fin de la Seconde Guerre mondiale, du genre : «Avec tel taux de croissance, on peut accueillir tant de gens. On ne peut pas accueillir les autres, qui doivent donc repartir chez eux.» Or on n'est plus dans une distinction entre réfugiés politiques et migrants économiques, à l'image des réfugiés chiliens et des immigrés qu'on a freiné après la crise économique de 1974. C'est pourtant l'horloge à laquelle Gérard Collomb semble s'être arrêté. En réalité, l'Europe doit faire face à des réfugiés fuyant la guerre et d'autres venants d'Etats défaits. La question, c'est qu'allons-nous faire de ces masses de gens qui ont entamé une route migratoire et qu'on ne peut pas renvoyer chez eux ?
Craignez-vous une continuité entre l’action du précédent gouvernement et le nouveau ?
Pour l'instant, on fait des déclarations de principes, du type «On protège la vie», mais dans les faits, on réalise le minimum. On met même en place des politiques dissuasives qui sont en réalité réactionnaires, et qui ne règlent pas les problèmes, car les gens restent quand même. Dans la feuille de route d'Emmanuel Macron sur les réfugiés, je ne vois rien qui soit en mesure de les intégrer économiquement et socialement.