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Libération

Transparence : friction visible

Bayrou se heurte à un Premier ministre moins attaché que lui à la moralisation de la vie publique.
publié le 18 mai 2017 à 20h36

En politique, tout va très vite. Tant mieux, cela permet d'oublier rapidement. Par exemple, l'époque pas si lointaine où François Bayrou, défenseur de la moralisation de la vie publique, cognait à bras raccourcis sur Emmanuel Macron, «le candidat de la finance». Interrogé en février sur KTO, Bayrou présentait la menace Macron comme «une question politique de fond. Historique et morale. Est-ce que la France se rallie à ce que j'appelle l'hypercapitalisme qui domine le monde ?» Depuis, c'est Bayrou qui a rallié Macron, en martelant avoir conditionné son soutien à une loi de moralisation de la vie publique.

Nous y voilà. Désormais ministre de la Justice, le patron du Modem va avoir les coudées franches pour mener à bien ce projet qui lui tient à cœur - mais dans un gouvernement dirigé par un Edouard Philippe qui a déclaré jeudi matin sur France Inter : «L'impératif de transparence absolue ne m'a jamais enchanté à titre personnel.»

Un sujet s'annonce particulièrement cocasse. Bayrou réclame depuis des années le financement des campagnes présidentielles sur fonds publics… alors que Macron présente la particularité de s'être très largement financé - faute d'argent public - par des dons privés. N'empêche, Bayrou avait violemment critiqué la course aux dons du candidat, y voyant un «lien» avec les «puissances d'argent» : «Il n'y a pas de communication où les équipes d'Emmanuel Macron ne disent qu'il a levé des millions d'euros, qu'il est allé faire des dîners-débats, à Londres, à la City, partout. Ce n'est pas ma manière de voir la politique.» S'il interdit le recours aux dons, Bayrou soulignera de fait que le parti du Président qu'il a rallié s'est financé à l'opposé de sa «vision de la politique».

On suivra aussi la constance de Bayrou à propos d’une autre mesure : en 2012, il avait proposé que le ministre de la Justice soit nommé à la condition d’une approbation par l’Assemblée nationale à la majorité des trois cinquièmes. Chiche ?