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Désintox

Hortefeux ressuscite le mythe sarkozyste de la police de proximité qui «joue au foot»

Sur France Info mardi, Brice Hortefeux a ressorti l'argument poids-plume qui a permis à Sarkozy en son temps de mettre fin à la police de proximité. Une petite phrase qui oblitère l'essentiel du dispositif, qui procurait aux agents une connaissance précieuse du terrain.
Brice Hortefeux, le 2 mai. (Photo Christophe Archambault. AFP)
publié le 24 mai 2017 à 16h34

INTOX. Comme l'ensemble des cadres de LR, Brice Hortefeux, ancien ministre de l'Intérieur (2009-2011), rame un peu quand il s'agit de démarquer l'identité programmatique de LR de celle d'Emmanuel Macron. En plus d'avoir inventé une ambiguïté de Macron concernant la burqa, il a repris un poncif sarkozyste concernant la police de proximité. «J'ai vu que dans le programme de la majorité présidentielle, [les hausses d'effectifs dans les forces de l'ordre], c'était pour rétablir la police de proximité. Je pense que c'est une très mauvaise idée. […] La police de proximité ne résout rien. L'objectif, encore une fois, c'est pas de jouer au football.»

DÉSINTOX. Hortefeux fait ici allusion à une cruelle boutade de Nicolas Sarkozy, devenue célèbre par la suite. Ministre de l'Intérieur, Sarkozy s'était rendu à Toulouse le 3 février 2003 pour y enterrer le dispositif, testé dans cette ville depuis 1998. Devant les caméras, un agent avait commis l'erreur, alors qu'il décrivait son travail, de l'illustrer avec l'exemple d'un match de rugby organisé avec des jeunes du quartier. Réplique glaciale du futur président : «Vous n'êtes pas des travailleurs sociaux.»

La raillerie, peu à peu passée du ballon ovale au ballon rond comme chez Hortefeux, a été maintes fois réutilisée pour décrédibiliser ce dispositif dont Emmanuel Macron (mais aussi Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon pendant la campagne présidentielle) propose de réutiliser le principe sans en reprendre le nom. Dans son programme, le président de la République prévoit ainsi une police «mieux intégrée dans le tissu social des quartiers, mieux à même d'intervenir avec discernement et de traiter les problèmes de proximité». Il compte en outre s'adosser à ce dispositif pour faire appliquer son projet de contraventionnalisation de l'usage du cannabis.

Mais cette moquerie de Brice Hortefeux, comme l'était celle de Nicolas Sarkozy, est très réductrice de ce qu'était vraiment la police de proximité. En réalité, le dispositif correspond comme son nom l'indique à un redéploiement d'agents polyvalents sur des secteurs de petites superficies. Mais ce n'est pas tout : «Ce n'est pas seulement une politique de territorialisation, rappelait Jean-Pierre Chevènement en 2008. C'est une police qui est à la fois préventive, dissuasive et répressive. A cet égard, elle exerce pleinement ses prérogatives de police judiciaire, participe aux renseignements, met en œuvre les techniques de la police scientifique technique. Enfin, une dimension importante est le suivi et l'aide aux victimes.»

«C'est un cercle vertueux», analysait finalement Jean-Jacques Havrin, inventeur du concept, fin mars sur RTL… lors d'une interview où il dénonçait précisément la méconnaissance et les caricatures des responsables politiques vis-à-vis de la police de proximité. «Les policiers connaissent leur quartier et les gens connaissent les policiers et leur parlent.»

Cet ancien commissaire estime que la police de proximité lui a permis de désamorcer la situation explosive des quartiers toulousains à la fin des années 90. «Quand je suis arrivé en 1999 à Toulouse, les voitures brûlaient. La police recevait des projectiles des toits des immeubles du Mirail. Le climat était très tendu, explique-t-il dans un entretien à Sud Ouest. J'ai d'abord trouvé des volontaires pour patrouiller à pied. Il fallait regagner la confiance de la population.» Un processus long et trop vite interrompu, qui a éloigné la police des quartiers. «Aujourd'hui, par exemple avec le terrorisme, ça nous manque beaucoup d'avoir du renseignement de proximité», reprend Havrin sur RTL.

Ajoutons qu'en bonus, Hortefeux a profité de son interview pour replacer son chiffre de 17% d'augmentation de la délinquance sous le gouvernement Jospin (à cause de la police de proximité, donc). Une statistique qui n'a jamais rien voulu dire comme nous avons dû trop souvent l'expliquer.