Un déplacement de «proximité» dans la Haute-Vienne pour entretenir une dynamique législative prometteuse : c'est la France rurale, encore rétive à sa «vision», qu'Emmanuel Macron a tenté vendredi d'hameçonner. Avant une séquence mémorielle samedi à Oradour-sur-Glane, village martyr de la Seconde Guerre mondiale.
En ces terres limousines, où Macron a récolté plus de 70 % le 8 mai, l'escapade promettait d'être une promenade de santé. Le terroir idéal pour promouvoir ses «états généraux de l'alimentation» qui, à compter de juillet, doivent permettre de réunir l'ensemble des acteurs de la filière agricole pour «définir un partage équilibré de la valeur». «Nous apporterons des réponses concrètes et volontaristes à vos difficultés», assure Macron aux élèves et professionnels de la filière du Lycée agricole de Limoges-Les Vaseix. Des mots calibrés pour inciter l'auditoire à lui accorder cette majorité dont il a besoin pour avoir les coudées franches.
C'était sans compter la colère des salariés de l'équipementier automobile GM & S (279 au total), implanté dans la Creuse voisine et où aucun repreneur ne s'est présenté. Le 21 mai, le locataire de Bercy ne s'était-il pas engagé à obtenir de PSA et de Renault un surcroît rapide de commandes de nature à tirer l'usine du mauvais pas ? «Ce qu'a fait [Bruno] Le Maire, c'était un coup de com avec rien derrière. Maintenant on veut que les choses avancent, et vite, tempête Yann Augras (CGT). On a une semaine avant le second tour pour se faire entendre.» Après une semaine entre polémiques sur la réforme du code du travail (lire page 5) et le futur projet loi antiterroriste, le Président veut calmer le jeu. Une «entrevue» avec les délégués de l'équipementier à la sous-préfecture de Bellac est organisée en catastrophe. Sans presse et en début de soirée. C'est donc avec application que, tout au long de l'après-midi de vendredi, le chef de l'Etat fuit les questions des médias : «Quand je viens sur un sujet que j'ai choisi, je parle du sujet que j'ai choisi. Je ne fais pas des commentaires d'actualité.» Pas question de gâcher l'essentiel, ses belles images servies par les télés aux Français : Macron faisant des selfies au lycée agricole, Macron arpentant les champs bâton de berger en main, fermier d'un jour cerné par la verdure et les vaches limousines.
Quand Emmanuel Macron arrive, avec quarante minutes de retard, en contrebas de la place du belvédère de Bellac, fumigènes et sirènes entrent en action. Avisant les quelques centaines de personnes venus soutenir les délégués de GMS qui le huent de loin, contenue par une barrière de gendarmes et de CRS, Macron se dirige droit sur la foule. «Je ferais le maximum, il n'y a pas d'emplois sans entreprises, mais je ne suis pas le Père Noël», répond t-il à deux femmes qui le prennent à partie. L'«entrevue» avec les syndicalistes tourne finallement à la réunion en bonne et due forme. A leur sortie, les délégués de l'équipementier font bonne figure. Le Président s'est engagé à activer une «cellule de crise» au plus vite: rendez vous est donné aux délégués à Bercy autour du ministre de l'économie vendredi prochain, dernier délai.