Aux innocents les mains pleines… Novice en politique, Emmanuel Macron est en passe de remporter le grand chelem le plus spectaculaire de la Ve République. Après avoir conquis l'Elysée et Matignon, son mouvement jeune d'un an s'apprête à inonder le Palais-Bourbon d'un flot de néophytes conquérants. Innocence toute relative. A la manière d'un général qui voit soudain la faiblesse du dispositif adverse, Macron a théorisé dès l'origine la vétusté des partis traditionnels. Sous les coups d'une troupe de marmousets commandés à la baguette, au fil d'une campagne menée comme une opération commando, les vieilles structures se sont effondrées telle une charpente vermoulue.
Il fallait croire en son étoile pour penser qu’une constatation banale - le besoin de renouveau - allait déboucher sur un tel ouragan. Le tout sans vraiment élever le ton, à la différence d’une Le Pen ou d’un Mélenchon. Macron n’a pas dit «dégagez !» Il a susurré «soyez assez aimables pour laisser la place». Coup de balai ? Non, coup de plumeau : les autres tombaient en poussière. Quant à l’électorat, il a considéré que l’affaire était pliée. Il s’est abstenu pour moitié, record historique et seule ombre au tableau pour les vainqueurs : c’est un triomphe sans enthousiasme, une victoire écrasante et molle. Elle présage néanmoins d’une Assemblée quasi monocolore. Au bout du compte, En marche piétine ses adversaires ; Macron peut se saisir de tous les pouvoirs ; une page totalement neuve s’ouvre pour le pays.
Pour la gauche, c’est l’éparpillement façon puzzle. Le PS réalise son plus mauvais score depuis Charlemagne. Il devra lutter pour sa survie. Mais la France insoumise ne peut guère bomber le torse : elle a perdu 7 points entre deux élections pour revenir à un étiage habituel pour la gauche de rupture. Gauche année zéro, dit-on. Au-dessous de zéro, plutôt…