Menu
Libération
Billet

Législatives : merci Hollande ?

Pas sûr que le dégagisme, la décrédibilisation des partis de gouvernement, ces partis de délibération aux processus démocratiques rompus, soit une bonne nouvelle.
Le président sortant, François Hollande, lors de la passation avec Emmanuel Macron, à l'Elysée, le 14 mai. (Photo Eric Feferberg. AFP)
publié le 11 juin 2017 à 22h01

Commentateur avisé de la vie politique après en avoir été l'acteur principal, que doit ressentir ce soir François Hollande au vu des résultats de ce premier tour des législatives ? De la jalousie mêlée d'admiration pour Emmanuel Macron qui a su, en cinq semaines, un tweet et une poignée de main, incarner la fonction présidentielle plus que lui en cinq ans ? Jusqu'à convaincre un tiers des votants de lui «donner une chance» pour mener en plus fort et en plus grand la politique sociale-libérale initiée par lui contre une partie de son propre camp : ces électeurs de la gauche, celle du Bourget, qui ce dimanche ont déserté les urnes ou lâché le PS ? Des regrets et un certain malaise de voir l'atomisation du parti dont il fut longtemps le premier secrétaire, au moment où, avec Lionel Jospin, ils décidèrent d'inverser le calendrier électoral,  faisant de l'Assemblée nationale un hémicycle de confirmation de la foulée présidentielle, une théorie de godillots qu'Emmanuel Macron compte garder dans ses pas ?

La majorité qui s'annonce donnera les pleins pouvoirs au Président, la monarchie élective de la Ve République a fonctionné. Mais cette absolue stabilité va sûrement déboucher sur des rigidités en actes guère compatibles avec les aspirations démocratiques d'une société moderne connectée et participative. Pas sûr que le dégagisme, la décrédibilisation des partis de gouvernement, ces partis de délibération aux processus démocratiques rompus, soit une bonne nouvelle. Une majorité moins écrasante au sein d'une chambre plus bigarrée aurait contraint le président Macron à rechercher des coalitions d'intérêts, contribuant à oxygéner notre République. Le voilà au contraire assis sur son trône, son spectre d'ordonnances bien en main.

Privée de relais, la France des oubliés, des laissés pour compte et des insoumis risque fort de donner de la voix dans la rue. Si on était François Hollande, on se sentirait seul, mal à l'aise. Et malheureux. Mais connaissant l'animal politique à sang froid qui est ce soir devant sa télé, on l'imagine aussi se dire qu'il a contribué à engendrer un jeune président propulsé par le parti démocrate à l'américaine dont il rêvait et qui va continuer son œuvre, à éviter au pays la rupture libérale et réactionnaire d'un Fillon et à renvoyer le Front national dans le carré de la protestation. Se dire aussi que nombre de clignotants économiques sinon politiques sont passés au vert sous sa houlette. Et que les Français peuvent donc lui dire merci.