«L’ampleur de l’abstention ne peut qu’interpeller. Même si la tendance baissière de la participation s’est enclenchée depuis les législatives de 1986 et s’est accélérée depuis 2002, nous sommes cette fois face à une accélération notable. Cette réalité a toujours quelque chose de surprenant alors que le taux de participation reste très élevé à la présidentielle et que notre société est en demande d’investissement dans notre vie démocratique, au-delà de signatures de simples pétitions en ligne. Il y a une forme de paradoxe entre cette abstention croissante, qui nous apparaît presque naturelle, alors qu’au contraire les législatives sont potentiellement un terrain d’expression fort.
«Un élément me paraît particulièrement important : il y a une lecture présidentialiste du scrutin législatif, y compris de la part des sensibilités minoritaires. Au fond, on pourrait très bien imaginer que ces législatives soient le moment d’inverser le rapport de force de la présidentielle ou au moins de le rééquilibrer. Rien ne s’y oppose. On pourrait tout à fait avoir des taux de participation supérieurs en faveur des candidats portant les couleurs des sensibilités qui ont loupé le coche à la présidentielle. Or ça n’est pas le cas, qu’il s’agisse du PS, de LR, du FN ou de La France insoumise. Pour eux, ce scrutin a tout d’une occasion manquée. Ils n’ont pas été capables de convaincre de l’intérêt de voter pour eux et de la possibilité réelle de changer la donne. Sur le papier, pourtant, il n’y a pas de fatalité à cette intériorisation excessive d’une lecture présidentialiste.
«Si la légitimité de la nouvelle Assemblée nationale sera incontestable, ce n’est pas le cas de sa représentativité sociologique et politique. Trois quarts des sièges pour une formation pesant pour 15 % des inscrits, la distorsion est majeure. Un des défis d’Emmanuel Macron doit être d’ailleurs de mieux associer les citoyens et les parlementaires à l’élaboration de la loi puis à l’évaluation des politiques publiques. Un plus grand contrôle citoyen des élus est aussi une demande forte. Ainsi, on est encore très loin de la grande recomposition démocratique à laquelle aspirent les Français.»