Menu
Libération
Manne

Assemblée: bataille en vue sur la réserve parlementaire

La suppression de cette enveloppe de 130 000 euros dont dispose chaque député pour financer des projets ou des associations promet de faire des mécontents.
L'Assemblée nationale en 2014. (Photo Lionel Bonaventure. AFP)
publié le 27 juillet 2017 à 18h23
(mis à jour le 28 juillet 2017 à 8h20)

La bataille s'annonce rude. Après quatre jours de débat sur le projet de loi «rétablissant la confiance dans la vie publique» avec des séances parfois houleuses, l'hémicycle va bientôt entrer de nouveau en ébullition. Une fois terminé l'examen du projet de loi ordinaire, les députés s'attelleront, probablement ce vendredi, au projet de loi organique, et en particulier à son inflammable article 9 assorti de sa centaine d'amendements déposés: la suppression de la réserve parlementaire.

La «réserve», c'est cette manne - qui s'élevait à 147 millions d'euros en 2017 - que peuvent débloquer députés et sénateurs pour accorder des subventions à des projets d'investissements décidés par des collectivités locales et des activités menées par des associations. Chaque député - hormis ceux qui ont des responsabilités au sein de l'Assemblée - dispose ainsi de 130 000 euros annuels à répartir. Sous la précédente législature, le président de l'Assemblée nationale de l'époque, Claude Bartolone avait décidé de sortir de l'ombre l'usage de cette réserve, en en publiant chaque année le détail sur le site de l'Assemblée.

«Faire payer cash les associations»

Mais toute transparente qu’elle soit, la réserve continue de soulever les accusations de clientélisme. Ce n’est bien sûr pas la nature des projets financés qui est en cause, mais la méthode de distribution qui reste au final arbitraire. Et ce même si certains élus mettent au point des «jurys citoyens» ou tentent de fixer des critères objectifs pour régir son attribution.

Le texte organique propose donc de mettre fin à cette pratique qui est d’usage, régie par aucune loi. Les sénateurs qui ont déjà examiné le projet de loi, ont proposé de remplacer la réserve par une dotation de soutien à l’investissement des communes.

Le soutien aux communes - surtout rurales - ainsi qu'aux petites associations de proximité, c'est le premier argument avancé par les défenseurs de la réserve. «On a un tissu associatif local en grande difficulté, qui ne survit parfois que grâce à l'apport de la réserve, observe un député de La République en Marche (LREM). Supprimer la réserve, sans avoir résolu cette question du financement des associations, juste pour répondre à l'injonction de laver plus blanc que blanc, c'est faire payer cash les associations.» La garde des Sceaux, Nicole Belloubet, promet, elle, que les fonds alloués jusqu'alors à la réserve soient réaffectés «dans le cadre normal de l'affectation à des projets d'intérêt général».

«Pureté du rôle du parlementaire»

Pour la ministre, supprimer la réserve permettrait carrément de revenir à «la pureté du rôle du parlementaire». Lequel «vote la loi [mais] n'est pas là pour distribuer un certain nombre de subsides», a-t-elle asséné ce jeudi matin sur Europe 1. Une conception qui hérisse les députés Les Républicains, convaincus que la suppression de la réserve, conjuguée à l'introduction promise de la proportionnelle et à la réduction du nombre de parlementaires, fera naître des députés «hors sol». «C'était un moyen extraordinaire, surtout pour nous députés du monde rural, d'accompagner des dizaines et des dizaines de projets sur notre territoire», déplore Guillaume Peltier (LR), dénonçant «une vision très jacobine, très parisienne des choses». Se disant «très attaché à l'ancrage territorial des parlementaires», la chef du groupe LR Christian Jacob estime, lui, qu'avec la fin de la réserve, «on perdra la nécessité de coller au terrain». Il a prévenu mardi que son groupe pourrait voter contre l'ensemble du texte si l'article 9 est ainsi maintenu.

Même du côté du groupe En Marche, certains élus vacillent, d'autant que si le candidat Macron s'était dit personnellement favorable à sa suppression, celle-ci ne figurait pas au programme. Il y a deux semaines, lors d'un vote interne en réunion de groupe, les députés de la majorité s'étaient même prononcés pour le statu quo, avant de rentrer dans le rang le lendemain lors d'une réunion des membres LREM de la commission des lois.

Pour loger tout le monde à la même enseigne et sans doute aussi pour préparer le terrain, la garde des Sceaux a annoncé, dès lundi soir en ouverture des débats, que le gouvernement donnerait son feu vert à la suppression de la réserve ministérielle, un fonds de 5 millions en 2017.