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Rabibochage

Territoires : le gouvernement met du Lot dans son vin

L’exécutif organise jeudi à Cahors la seconde Conférence nationale des territoires, censée renouer le dialogue entre Etat et collectivités.
Edouard Philippe avec Jacques Mézard, devant la mairie de Cahors, mercredi. (Photo Marc Chaumeil pour Libération)
publié le 14 décembre 2017 à 7h20

Quitter Paris pour être mieux entendu des territoires : c’est le pari du gouvernement, dont pas moins de quatorze représentants seront ce jeudi à Cahors pour relancer le dialogue avec les élus locaux. La préfecture du Lot accueille la seconde Conférence nationale des territoires (CNT), une instance lancée en juillet par Emmanuel Macron. C’est le Premier ministre, Edouard Philippe, qui présidera cette deuxième édition, avec l’espoir de surmonter les récentes querelles entre Etat et collectivités.

Coupes dans les emplois aidés et les aides aux logements, réforme de la taxe d'habitation, passage de 10 à 13 milliards d'euros des économies réclamées sur le quinquennat… Ces sujets avaient très tôt dégradé les relations entre les élus locaux et le nouvel exécutif. Ces derniers mois, les congrès des principales associations de collectivités avaient été l'occasion de sévères réquisitoires contre ce dernier. Certaines organisations avaient même menacé de boycotter la CNT. Une menace restée sans suite. Les associations ont jugé trop hasardeux de quitter la table des discussions, tandis que le gouvernement s'est efforcé, au fil de multiples rencontres, d'arrondir les angles avec ses partenaires mécontents. «L'Etat n'a pas été à la hauteur, a même reconnu Emmanuel Macron fin novembre devant les maires. Il est vrai que certaines mesures n'ont pas été dûment concertées.» Très remontée en septembre lors de son congrès, l'association Régions de France s'est récemment félicitée d'avoir «retrouvé le chemin du dialogue» avec l'Etat.

«Pacte de confiance»

La plus durable bouderie est celle de l'Association des maires de France (AMF), qui n'assurera à Cahors qu'un service minimum. Plutôt que son président, François Baroin, c'est sa vice-présidente, Agnès Le Brun, qui fera le déplacement dans le Lot, en simple «observatrice» des travaux. Le résultat d'un compromis entre le courant modéré de l'association et une tendance plus radicale, favorable à un pur et simple boycott. «En l'état des mesures annoncées par le gouvernement et votées à ce jour par le Parlement, aucun "pacte de confiance" n'est aujourd'hui envisageable», écrit l'AMF dans un communiqué publié mardi. «De toute façon, derrière cet exercice de communication, le gouvernement ne décide que ce qu'il veut décider, juge le maire LR de Cannes, David Lisnard. Nous allons écouter ce qui sera annoncé le 14 décembre, puis réfléchir à la suite. S'il le faut, nous porterons l'affaire devant le Conseil constitutionnel, au nom de la libre administration des collectivités.»

Dans son état actuel, ce «pacte» propose aux principales collectivités de limiter à 1,2% la progression annuelle de leurs dépenses, et de fixer d'exigeantes limites à leur endettement. Deux sujets sur lesquels Edouard Philippe pourrait lâcher du lest jeudi. Notamment en prenant en compte, pour chaque collectivité, les efforts déjà consentis dans le passé. L'AMF n'est pas seule à le réclamer de tels ajustements : «On ne rentrera pas dans ce mécanisme sans avancées très significatives, prévient le président de l'Assemblée des départements de France (ADF), Dominique Bussereau. On ne peut pas s'engager à modérer nos dépenses, si cela comprend celles que nous assumons à la place de l'Etat», c'est-à-dire les dépenses sociales transférées aux départements.

Déambulation

L'événement sera aussi l'occasion, pour l'exécutif, de présenter un plan de revitalisation des villes moyennes. Moyen de répondre à l'alarmant déclin de nombreux centre-villes. Mais aussi, incidemment, d'afficher la sollicitude du gouvernement pour la «France périphérique», alors que certains opposants d'Emmanuel Macron qualifient celui-ci de «président des métropoles» ou évoquent, comme le président de LR Laurent Wauquiez, sa supposée «haine de la province».

Un même souci semble avoir poussé Edouard Philippe à prolonger son séjour dans le Lot. Le Premier ministre y demeurera jusqu'au vendredi inclus, cette dernière journée étant consacrée à des visites dans le reste du département. «Les déplacements ministériels très classiques ont parfois leurs limites : tout le monde arrive, assiste à un événement, puis chacun rentre chez soi le soir même, a-t-il expliqué mercredi dans la Dépêche du Midi. Je sillonnerai le département, j'irai à Gourdon, Figeac, Rocamadour ou encore à Biars-sur-Cère.» Assez classique, ce souci de «sortir de Paris» avait déjà conduit Valéry Giscard d'Estaing, puis Nicolas Sarkozy, à organiser des «conseils des ministres décentralisés» en province. L'ex-maire du Havre confirme ainsi son goût pour la déambulation, après un séjour en Nouvelle-Calédonie déjà remarqué pour son inhabituelle longueur.