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Libération
Récit

Le gouvernement prépare son «Pacte» proentreprises

Des députés et des patrons présentent jeudi leurs «propositions» pour la future grande loi économie que doit défendre Bruno Le Maire au printemps.
Mounir Mahjoubi (secrétaire d'Etat chargé du Numérique), Olivia Grégoire (députée LREM), Jean-Baptiste Lemoyne (secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Europe et des Affaires étrangères), Bruno Le Maire (ministre de l'Economie) et Benjamin Griveaux (actuel porte-parole du gouvernement), à l'espace de «coworking» Bercy Lab, au ministère de l'Economie, le 23 octobre. (Photo ERIC PIERMONT. AFP)
publié le 21 décembre 2017 à 7h05

Ça a la saveur, le goût, l’apparence d’une nouvelle «loi Macron». Le «Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises» (dit «Pacte», pour les initiés), lancé le 23 octobre à Bercy, commence à prendre forme. Ce jeudi, députés et chefs d’entreprises mandatés cet automne par le gouvernement dévoilent leurs propositions, remises en début de semaine dernière au cabinet du ministre de l’Economie, Bruno Le Maire. Lequel, après avoir laissé son éphémère secrétaire d’Etat, Benjamin Griveaux, porter le sujet, se verrait bien laisser son nom à ce projet de loi prévu pour une présentation en Conseil des ministres entre la mi-avril et la mi-mai.

Bercy avait missionné cinq «binômes» et un «trinôme» de députés-chefs d'entreprise pour faire des propositions sur divers thèmes à l'ADN très macronien: «Création, croissance, transmission et rebond»; «Partage de la valeur et engagement sociétal des entreprises»; «Financement»; «Numérisation et innovation»; «Simplification» et «Conquête de l'international».

Sur la méthode, le gouvernement veut donc afficher une «coconstruction», pour ne pas se faire accuser de ressortir des sujets libéraux enfouis dans les armoires de Bercy: d'abord avec des députés et des patrons, puis par les «citoyens» via une consultation en ligne qui sera ouverte le 15 janvier. «Ce n'est pas un texte écrit à 80% par Bercy, défend la députée de Paris, Olivia Grégoire, chargée du thème "création, croissance, transmission et rebond", avec la présidente de Coriolis Composites, Clémentine Gallet. On n'est pas là pour donner une impression de concertation.»

Redéfinition de l’entreprise

La parlementaire insiste ainsi sur les «300 personnes rencontrées en un mois», la «quinzaine d'ateliers» menés et la «trentaine d'audition» effectuées. Tout cela avec «l'implication dès le début des services de la Délégation générale de l'emploi et de l'Inspection générale des finances», qui ont «l'historique des réformes», insiste Grégoire. Elle en a tiré «plus de cinquante propositions» sur les transmissions d'entreprise, les questions de liquidation, de «mariage», de faillite ou d'accompagnement. «Je suis épuisé!», lance de son côté Jean-Noël Barrot, député Modem des Yvelines et chargé, lui, du thème «financement» avec Alice Zagury, présidente de la start-up The Family. «Nous avons vu plus de 160 personnes, organisé deux journées de visite… On a trié et consigné nos propositions parmi lesquelles la simplification des produits d'épargne», ajoute-t-il.

«Ce ne sera ni le projet de loi du Medef ni celui des technos», insiste Olivia Grégoire, qui place cette future loi dans la lignée de la loi de «modernisation de l'économie», votée par la droite en 2008, puis celle «pour la croissance et l'activité», portée en 2015 par un certain Emmanuel Macron, alors ministre de l'Economie. D'autant que devrait revenir, via ce texte, la question d'une redéfinition de l'entreprise. «Avec Muriel Pénicaud et Bruno Le Maire, nous allons faire évoluer l'objet social des entreprises, qui ne peut plus être le seul profit, sans considération pour les hommes et les femmes qui travaillent, sans regard sur les désordres environnementaux. Cette réforme nous conduira probablement à modifier le code civil», a lancé le ministre de l'Environnement, Nicolas Hulot, au siège du Medef, il y a quelques jours, dans le cadre du One Planet Summit organisé à Paris. «Cette question peut se poser, appuie Olivia Grégoire. La définition du Code civil date de 1804! Après, il ne faut pas que ce sujet cache le reste du projet de loi.»

Désindexation

De quoi faire hurler les représentants patronaux, totalement opposés à ce sujet: «Faire cette modification, c'est mettre en difficulté l'ensemble des entreprises françaises, c'est les rendre dépendantes face à des activistes environnementaux», a répondu le patron du Medef, Pierre Gattaz, après les propos de Hulot. L'entourage de Bruno Le Maire calme le jeu: «On ne va rien décider sans discuter d'abord avec les organisations patronales et les syndicats.»

Ces derniers craignent, eux, un autre sujet dans ce projet de loi qui sera porté par le ministre de l'Economie et des Finances: la désindexation partielle du Smic. Le sujet, relancé ces dernières semaines par des députés de la majorité, «pourrait être traité dans ce texte», confirme Bercy, tout en rappelant que, «tout comme les questions d'intéressement et de participation», ces sujets-là seront «étudiés» avec les partenaires sociaux.