Un passé pas très lointain qui s'accroche, qui traîne et qui pèse lourd dans la besace. Jean-Luc Mélenchon tourne en rond, se gratte la tête, rumine. Il rejoue sans cesse la partie : la présidentielle, les législatives, la contestation sociale. Les mois défilent à grande vitesse mais le tribun reste bloqué. Le regard fixé sur le rétroviseur, un goût amer dans la bouche. Dans son dernier billet de blog, publié le jour de Noël, le député des Bouches-du-Rhône répète que «ce fut une grande calamité pour le peuple que d'avoir été privé» du second tour de la présidentielle. Selon lui, l'histoire aurait dû lui ouvrir les bras. Une finale face à Emmanuel Macron. «L'humanisme» d'un côté, «le libéralisme» de l'autre. Un choc entre deux mondes. Bien évidemment, sa défaite cache une flopée de coupables, dont l'oligarchie et les médias.
Un autre échec l'agace. En juin, après sa victoire à Marseille, il s'est affiché au Palais-Bourbon avec la banane, tout fier de présenter son groupe de parlementaires. De nouvelles têtes, de la fougue et un plan : le chef des insoumis misait ensuite sur la rue pour mettre au tapis le Président «des riches». Sauf que le scénario ne s'est pas déroulé comme prévu : des manifestations, des rassemblements, des pancartes, mais aucune vague. Emmanuel Macron a réformé le code du travail par ordonnances sans encombre. Bien évidemment, Jean-Luc Mélenchon cible les fautifs : les syndicats, alias «le vieux monde», incapables de mener la bataille.
Certaines choses ne changent pas : Jean-Luc Mélenchon refait l'histoire à l'envi et les coupables, ce sont toujours les autres. Une stratégie qui renforce sa base, mais crispe, voire éloigne, nombre de ses électeurs. Il a pourtant soulevé un espoir fou lors de la présidentielle ; il continue à développer son mouvement alors que les partis dits «traditionnels» tirent la langue ; il squatte la tête de plusieurs enquêtes d'opinions. Et même s'il ne se définit plus à gauche – «un mot galvaudé sous le quinquennat Hollande» –, beaucoup de sympathisants imaginent encore un bout d'avenir à ses côtés. Dans quelques jours, on change d'année : le moment idéal pour larguer les scénarios d'une histoire déjà écoulée et jeter un coup d'œil vers demain. Bref, populariser ses propositions plutôt que de ressasser le passé.