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Billet

A Tolbiac, Macron double Sarkozy sur sa droite

Il y a douze ans, le campus de Paris-I, comme des dizaines d'autres facs, était bloqué en opposition au CPE. Les CRS n'étaient jamais intervenus dans un mouvement social pourtant plus dur que celui d'aujourd'hui. Ce vendredi, pourtant, la police a remplacé les étudiants dans la fac parisienne.
Vendredi, après l'expulsion matinale par les CRS des occupants de l'université de Tolbiac, des étudiants se sont réunis en AG pour réfléchir à la suite à donner à leur mouvement. (Photo Denis Allard pour Libération)
publié le 20 avril 2018 à 17h28

En passant devant Tolbiac ce matin, comme chaque jour de la semaine, j'ai vu ce que je n'aurais jamais pensé voir un jour. Le campus de Tolbiac (université Paris-I) était vide, triste. Abandonné à la laideur d'un lieu qui fut érigé à une époque, les années 70, qui laisse peu de bons souvenirs aux Parisiens. Les CRS ont quitté  pendant la nuit leur positionnement sur l'avenue de Choisy afin d'évacuer une fac occupée depuis plusieurs semaines. On pense ce qu'on veut des opinions politiques des manifestants, étudiants ou non. Malgré tout, il est difficile de préférer les boucliers et les matraques aux discussions tournant autour d'un monde qui devrait être meilleur.

Ce matin, deux parallèles se sont imposés à moi. Le premier, avec le mouvement contre le CPE en 2006. Un mouvement qui a beaucoup participé à ma construction intellectuelle. Au-delà des clichés sur les «étudiants branleurs» qui bloquent la fac pour ne pas aller en cours – mes cours de mathématiques étaient un pur régal et c’est le seul regret que j’ai de cette année –, j’ai pu participer à des actions concrètes en faveur des SDF ou des sans-papiers de manière structurée, récolté des centaines de références d’ouvrages politiques, sociologiques, philosophiques, historiques, etc. qui m’ont construit théoriquement. J’y ai appris la construction d’un mouvement, ses écueils, ses bonheurs, ses atouts.

Tolbiac restait une oasis

Or on n’avait pas vu l’ombre d’un casque de CRS dans Tolbiac. Le mouvement contre le CPE était pourtant plus dur dans toute la France (Périph bloqué, grilles de l’Assemblée qui, une nuit, sont sortis de leurs gonds, accès au mont Saint-Michel bloqué, conseil régional occupé à Caen…) et s’est étendu de janvier à mai. Les affrontements étaient parfois sévères dans la rue, lors des manifs ou actions, déclarées ou sauvages. Mais Tolbiac restait pour nous une oasis, un lieu où l’on pouvait se retrouver, penser, se motiver, chercher l’émulation. Ce matin, les CRS ont été envoyés et cet havre, imparfait comme chaque entité, a été détruit.

Le deuxième parallèle nous ramène un an en arrière. Les débats sur Macron, Fillon, et Le Pen, et qui était le pire. Il apparaissait évident pour certains, de la gauche radicale ou sociaux-démocrates, que Fillon était pire que Macron. Sur le sociétal sûrement. A propos du reste, rien n’est moins sûr. Mais les faits sont têtus.

En 2006, Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy, que la gauche tout entière a combattus, étaient président et ministre de l’Intérieur. Les CRS n’avaient pas été envoyés à Tolbiac, fer de lance du mouvement anti-CPE. En 2018, Emmanuel Macron et Gérard Collomb leur ont succédé. Et les CRS ont remplacé pour une matinée les étudiants derrière les grilles de Tolbiac. Il n’est pas question de reprocher quoi que ce soit à ceux qui ont voté «utile» au premier tour en 2017. Juste d’observer ceci : ce que Nicolas Sarkozy n’avait pas osé faire contre les jeunes et le mouvement social, Emmanuel Macron et Gérard Collomb l’ont fait.