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Libération
Merci de l'avoir posée

La motion de censure : comment ça marche ?

Le gouvernement à peine nommé fait face à un texte de rejet déposé par l’insoumise Mathilde Panot et 57 de ses collègues. Déposé le 14 janvier, le texte sera examiné le 16 janvier.
L'Assemblée clairsemée, lors de l'examen de la motion de censure déposée par LFI, le 16 janvier. (Albert Facelly/Libération)
publié le 31 juillet 2018 à 7h28
(mis à jour le 16 janvier 2025 à 16h38)

Pour la 150e fois depuis le début de la Ve République, la motion de censure fait son retour à l’Assemblée. Refusant de se plier au vote de confiance face à une assemblée morcelée, François Bayrou fait face à un texte déposé par la France insoumise, que ne voteront pas les socialistes.

Le texte fustige un «déni de démocratie» dans la nomination de François Bayrou, issu d’un groupe politique qui n’a pas remporté les élections législatives. La motion vise également la composition du gouvernement, «à elle seule une provocation justifiant la censure», avec à l’Education nationale Elisabeth Borne, qui a «brutalisé le Parlement avec 23 recours aux 49.3», et à l’Intérieur Bruno Retailleau «qui ose parler de “Français de papiers”». Elle est aussi une critique majeure du budget proposé par François Bayrou, «celui de monsieur Barnier, en pire».

Dans quels cas peut-elle être déposée?

Prévue à l’article 49-2 de la Constitution, la motion de censure permet à l’Assemblée nationale de «mettre en cause la responsabilité du gouvernement». Elle doit être signée par au moins un dixième des députés (soit 58). En 2018, en dépit d’une Assemblée largement dominée par LREM et le Modem, cela avait été une formalité pour le groupe LR et ses 103 membres tandis qu’insoumis, socialistes et communistes avaient dû unir leurs forces pour réunir sur leur propre motion. Beaucoup plus facile pendant le passage d’Elisabeth Borne, de 2022 à 2024, où 23 motions de censure, déposées par le RN (88 députés) ou la Nupes (151), furent votées et rejetées. Après la dissolution, ce fut encore plus évident, avec pour résultat le renversement du gouvernement Michel Barnier. A noter qu’un député ne peut signer plus de trois motions de censure au cours de la session ordinaire et plus d’une au cours d’une session extraordinaire.

Une fois la motion de censure déposée, le président de l’Assemblée nationale notifie la motion de censure au gouvernement et la rend publique. Au-delà de ces initiatives spontanées, les députés peuvent aussi déposer une motion de censure lorsque le gouvernement engage sa responsabilité devant l’Assemblée, sur un texte (article 49-3 de la Constitution). Le texte est alors adopté sans vote, sauf si une motion de censure déposée dans les 24 heures, est votée.

Comment se déroule le vote ?

La Constitution prévoit un délai de 48 heures après le dépôt de la motion de censure. Et ce pour «empêcher les votes trop émotionnels», peut-on lire dans les notes explicatives disponibles sur le site de l’Assemblée nationale. Ces 48 heures écoulées, le débat et le vote doivent avoir lieu, au plus tard le troisième jour de séance suivant. La motion de censure ayant été déposée 14 janvier, après la déclaration de politique générale de François Bayrou, il a fallu attendre au moins le 16 janvier, soit ce jeudi, pour l’examiner.

Pour être adoptée, une motion de censure doit recueillir la majorité absolue des membres de l’Assemblée, soit au moins 289 suffrages favorables. Car seules ces voix «pour» sont comptabilisées, on considère que même les députés qui s’abstiennent soutiennent le gouvernement. Si une motion de censure est votée, le Premier ministre remet la démission du gouvernement (article 50 de la Constitution).

L’une de ces motions de censure a-t-elle une chance d’être adoptée?

Si la question avait été vite réglée à l’été 2018, compte tenu du rapport de forces parlementaire (la majorité trustait 358 sièges et les oppositions rassemblées, 219), la réalité arithmétique plus nuancée de 2022 a laissé la porte ouverte à de nouvelles alliances. L’attelage de soutien à Emmanuel Macron a cependant fait front grâce aux abstentions des LR, notamment lors de la motion de censure consécutive au 49-3 utilisé pour faire passer la réforme des retraites. toute autre à l’aune de cette nouvelle législature. La dissolution prononcée en juin 2024, avec pour résultat une assemblée morcelée en trois, la motion de censure a finalement été votée le 4 décembre 2024 après l’usage du 49-3 pour faire passer le budget 2025.

Une rareté puisqu’il fallait remonter plus de soixante ans en arrière pour qu’une Assemblée renverse un gouvernement. C’était en 1962, contre le gouvernement de Georges Pompidou; les députés voulaient ainsi dénoncer la décision du général de Gaulle de soumettre à référendum l’élection au suffrage universel direct du président de la République. De Gaulle a alors dissous l’Assemblée nationale. Lors des législatives convoquées dans la foulée, les gaullistes ont triomphé. Et Pompidou a été reconduit à Matignon.

Mise à jour le 16 janvier 2025, jour de l’examen de la motion de censure contre François Bayrou.