Affublée d'un pull beige et blanc XXL, elle fait le tour des tables, lançant de petits saluts. Des convives l'acclament, réclament une photo souvenir. Elle pique un fard, fait mine de s'étonner. Nadine Morano sera l'unique (et infime) sensation de l'édition 2018 du mont Mézenc. Pour la traditionnelle ascension marquant la rentrée politique du clan Wauquiez, Eric Ciotti, Brice Hortefeux et Bernard Accoyer sont fidèles au poste. Morano, elle, n'est pas une inconditionnelle du sommet auvergnat. L'année dernière, c'est une autre blonde qui avait attiré l'attention au côté du futur chef du parti Les Républicains : la juppéiste Virginie Calmels, venue dire son envie de «sortir des débats de personnes», de «participer à la reconstruction de la droite» et de «témoigner de la volonté de Laurent Wauquiez de rassembler». Le candidat à la présidence de LR était alors plein de sollicitude pour la libérale, qu'il nommerait vice-présidente après sa victoire en décembre. Mais la lune de miel a tourné au jus de boudin avec le limogeage express de Calmels le 17 juin. Elle est depuis allée se reconstruire ailleurs.
«Le mythe du nouveau monde»
Personne au Mézenc ne souhaite évoquer l'épisode. L'ex-juppéiste Jean Leonetti, nouveau numéro 2 de LR, ne prendra même pas la parole. Les militants sont venus en pèlerinage comme pour se rassurer. Pas d'effronterie, peu de saillies. «Vous êtes là dans les bons et les mauvais moments, merci», dit le chauffeur de salle aux 1 500 convives (selon les organisateurs) qui attaquent l'habituel pâté aux lentilles. Gérard Larcher a envoyé un mot à l'intention de Wauquiez. La méthode Coué comme viatique : «Je suis à tes côtés pour relever notre famille politique, tu es notre président élu et je sais que tu veux rassembler, construire.» A la fin du courrier, le président du Sénat appelle à «chasser le mythe du nouveau monde» et à porter «l'espérance d'une Europe plus forte par son identité, son humanisme». Christian Jacob enchaîne en assurant que Laurent Wauquiez «a une stratégie pour nous amener à la victoire» aux élections européennes de 2019. «Nous avons besoin d'une mobilisation sans faille», prévient-il, avant de tancer sans les nommer les barons qui ont organisé leur raout de leur côté (Valérie Pécresse à Brive, Bruno Retailleau à La Baule, Xavier Bertrand à Châlons) : «Je dis aux autres : "Venez avec le débat des idées. Si vous voulez faire des critiques, faites-le à l'encontre du gouvernement, il y a de quoi faire, mais au sein de notre famille, il faut rassembler."»
Wauquiez est là pour «profiter de l'oxygène», lâche-t-il à son arrivée. Il esquive vite les caméras. La parole se veut rare, les idées neuves le seront aussi. Dans son discours, le chef de LR égrène ses marottes, «le déclassement, le délitement» de la France, dont les classes moyennes paient selon lui le prix fort : trop d'impôts, de taxes, fini l'ascenseur social. «Très tôt j'avais mis en garde contre les illusions du macronisme. La situation s'est dégradée dans notre pays, les Français ne vivent pas mieux, le pouvoir d'achat n'a pas progressé, l'insécurité n'a pas reculé, l'immigration massive ne s'est pas arrêtée, l'islamisme n'a pas été endigué.»
«Rendez l’argent»
Il fait bref sur le gel des retraites annoncé dimanche : «C'est à nouveau dans la poche de la classe moyenne que l'on va chercher de l'argent. Les Français n'en peuvent plus, sont en colère, je dis : rendez l'argent aux Français.» La foule grisonnante acclame. Tour à tour, Wauquiez fustige le RSA, l'aide médicale d'Etat accordée aux réfugiés, la «petite élite confite dans ses certitudes», les «chômeurs qui sont en congé l'été», le passage aux 80 km/h et les terrasses des cafés dont «les femmes ont été bannies». Et d'ériger en exemple son bilan régional : Auvergne-Rhône-Alpes est «la région la mieux gérée de France, la seule à avoir diminué ses frais de fonctionnement», affirme-t-il. La seule aussi à avoir vu le budget de sa première mandature annulé par la justice administrative…
Sur l'Europe, se gardant de tout mot sur l'épineuse question de la tête de liste aux élections, c'est aussi en creux qu'il aborde son projet, par le prisme de la crise migratoire : «C'est une fausse générosité de priver les pays africains de leur jeunesse et d'accueillir ceux que nous n'arrivons plus à intégrer. L'immigration de masse est devenue une menace culturelle pour la civilisation européenne», assène le patron de LR. La salle soupire d'aise. Peu après, la Marseillaise retentit. Laurent Wauquiez s'éclipse pour enfiler ses chaussures de randonnée, avant de se lancer dans la montée. Moins vite que les années précédentes, selon les habitués.