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Libération
La lettre politique

Partie de savate sur France 2

Laurent Wauquiez (à gauche) et Edouard Philippe. (à gauche, photo Stéphane Lagoutte. Myop / à droite, photo Benoit Tessier. Reuters)
publié le 27 septembre 2018 à 17h35

Une tête de gondole d'un côté, une tête à claques de l'autre. Edouard Philippe et Laurent Wauquiez s'affrontent ce soir sur France 2 à l'Emission politique.

Le premier, chef du gouvernement et principal porte-voix de la majorité, avec son look d’échalas débonnaire et sa barbe d’instit de gauche, plaidera une nouvelle fois la cause du «en même temps» macronien : en même temps de droite, en même temps pas de gauche. Au centre droit en fait, c’est-à-dire au centre de l’omelette dont parlait Alain Juppé et qu’il fallait couper aux deux bouts. L’ennui, c’est que cette partie centrale se dessèche tandis que les deux extrémités gardent leur saveur. Il fera dans le social pour tenter de faire oublier les sorties incontrôlables de son président. Face à celui qui se veut le meilleur procureur, il s’efforcera d’être le meilleur avocat.

L'autre, tout d'acuité droitière, traîne un passif de cynique de la communication. «Je ne vous servirai pas le bullshit dont j'use habituellement à la télé», avait-il lâché à des étudiants en petit comité. Ce «parler vrai» version saloon du Midwest éveille la vigilance. De quel «bullshit» usera cette fois le chevalier à la veste écarlate ? Du gros rouge qui tache, selon la formule de Sarkozy, probablement : immigration, identité, sécurité, PMA, et ainsi de suite. De quoi doper la droite profonde qui se détourne de plus en plus de Macron. Avec un handicap toutefois : Wauquiez croit-il ce qu'il dit ? Il a commencé dans la vie politique comme desservant de Jacques Barrot, démocrate-chrétien ouvert et social, du centre de la France et du centre tout court. Voyant l'atmosphère ambiante, il a donné il y a quelques années un violent coup de barre à droite, décidé à couper l'herbe sous la botte de Marine Le Pen. Angoisse : ce décentrement ouvre un espace à la droite civilisée, dont Valérie Pécresse se veut le symbole après Juppé. Wauquiez doit donc savoir jusqu'où il ira trop loin pour ne pas trancher l'aile présentable de son mouvement. Il songe même à placer Michel Barnier, le très rond et respecté commissaire de Bruxelles, à la tête de la liste LR pour les européennes. Délicat slalom. Mettra-t-il de l'eau dans son bullshit ? Dans tous les cas, le brouet ne sera guère ragoûtant.

Wauquiez brandira son poing droit pendant que Philippe lancera en avant sa jambe gauche. Pugilat asymétrique. L’un compte sur ses uppercuts pour s’imposer dans son camp, l’autre sur son sens de l’esquive pour ne pas diviser le sien. Entre anciens frères ennemis de l’UMP, une étrange partie de savate.

Et aussi

Décidément, les prêches de Tariq Ramadan n'ont aucun effet sur la justice. Les derniers éléments de l'enquête démontrent, outre les mensonges du prédicateur, sa tartufferie congénitale. Prônant officiellement pudeur et vertu, il pratique une version du Coran plus proche du marquis de Sade que de son grand-père Hassan el-Banna, fondateur des Frères musulmans. Une partie de l'extrême gauche intellectuelle avait pris fait et cause pour lui, en accusant la justice de discrimination antimusulmane. La voilà contrainte de raser les murs. La justice, en fait, n'exerce aucune discrimination : elle craint des pressions sur les plaignantes, déjà soumises au feu roulant des soutiens de Ramadan, et une fuite à l'étranger, tout à fait possible dans la mesure où il dispose d'un réseau international et détient la nationalité suisse. D'où la détention provisoire. Cela ne présage pas de la décision finale mais exprime les soupçons nourris croissants par les magistrats. Une procédure régulière, quoi qu'en disent ses zélotes imprudents…