Un tapis rouge et quelques quolibets. Jusqu'au dernier jour, Manuel Valls, qui s'apprête à se consacrer à sa campagne barcelonaise, aura agité l'hémicycle. Lancé depuis dimanche dans une tournée d'adieux très médiatique, le désormais ex-député de l'Essonne quittait ce mardi matin ses collègues après avoir remis dans la matinée sa lettre de démission au président de l'Assemblée nationale, Richard Ferrand. Du perchoir, son ancien collègue socialiste a salué «son parcours républicain», voyant dans son défi catalan non pas «une rupture» mais le prolongement de «ses engagements républicains» et un «sens des responsabilités [qui] s'exporte».
En guise de cadeau de départ, Valls, apparenté au groupe La République en marche, s'est vu accorder une question au gouvernement (sa première depuis le début de la législature). Si les macronistes l'avaient accueilli sans enthousiasme en juin 2017, ils ont mis les formes pour le raccompagner. Devant ses collègues en réunion de groupe, l'ex-Premier ministre, qui siégeait, ces derniers mois, en dilettante, a reconnu mardi matin avoir peiné, après Matignon, à trouver sa place auprès de ces jeunes parlementaires qui l'ont d'abord vu comme «animal étrange» et un «ovni politique». Au moment de les quitter, le voilà désormais qui récolte des hommages amicaux sur Twitter. «Je le regretterai, c'est une grande chance pour l'Europe mais une perte pour nous», a glissé le président du groupe LREM, Gilles Le Gendre.
«Houhouhou»
Standing ovation le matin et rebelote dans l'hémicycle l'après-midi. Droit comme un I devant son micro, Valls est couvert des applaudissements des députés LREM, suivi timidement par quelques-uns de ses anciens collègues socialistes et une poignée de députés UDI-Agir, non inscrits et même LR. Les Insoumis, avec qui Valls entretient des relations exécrables, avaient manigancé un «au revoir» nettement plus hostile. Feuille blanche retournée sur leur pupitre, ils dégainent chacun leur message «bon débarras», en grosses lettres noires. «Houhouhou», couvrent les députés, pendant que les huissiers s'empressent de confisquer les affichettes, interdites par le règlement.
Point de question en bonne et due forme pour Manuel Valls. La gorge serrée au moment de «quitter cette Assemblée et la France pour un défi personnel, inédit et profondément européen», le natif de Barcelone dit sa «reconnaissance, d'abord à la France, un pays unique qui donne la possibilité à quelqu'un né à l'étranger, qui a décidé d'être Français à 20 ans, d'avoir un parcours politique». Puis remercie ses collègues – en insistant : «chacun d'entre [eux] parce que c'est ma vision de la vie politique» –, le personnel de l'Assemblée et ses collaborateurs, ainsi que les électeurs d'Evry et de la 1ère circonscription de l'Essonne. «Vous les avez trahis», s'insurge-t-on à droite. «Le Barcelonais, le Français, le républicain et l'Européen est reconnaissant aux Français qu'il n'oubliera jamais», termine Valls, ému, avant de regagner sa place, pile au milieu de l'hémicycle.
«Si on vous dérange faut le dire»
«La pire des choses, quand on a eu l'honneur de diriger un gouvernement, c'est de susciter l'indifférence. Compte tenu de la chaleur des réactions, soit très dures, soit très élogieuses, soit très respectueuses, je crois pouvoir dire que vous n'avez jamais suscité l'indifférence», convient Edouard Philippe. Les députés LR, eux, moquent les émouvantes courbettes de la majorité : «l'hypocrisie en marche», «oh les larmes de crocodiles», «si on vous dérange, faut le dire». Le Premier ministre, qui ne cache pas avoir été «l'adversaire politique» de son prédécesseur sous le précédent quinquennat, rend hommage à son discours prononcé le 13 janvier 2015, au lendemain de l'attentat à Charlie Hebdo : «Vous avez, à des moments où la France était menacée, trouvé des mots justes, une position solide. La France vous sera toujours reconnaissante», affirme Philippe, se souvenant que, dans un «silence formidable», la représentation nationale avait entonné en chœur la Marseillaise.