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Philippe II

Remaniement : un «nouveau souffle» mais surtout pas de virage

Pour les responsables de la majorité, l'an II du quinquennat commence avec le discours de Macron au congrès le 9 juillet et non pas avec le changement de gouvernement.
Emmanuel Macron lors de la réunion du Congrès à Versailles le 9 juillet. (Photo Marc Chaumeil pour Libération)
publié le 9 octobre 2018 à 11h18

Donner un «nouveau souffle» au gouvernement et à sa majorité ? D'accord, mais pas question de s'éloigner, si peu que ce soit, de l'agenda de «transformation» inauguré tambour battant en mai 2017. A la veille de ce remaniement provoqué par le départ de Collomb, l'exécutif, relayé par de nombreux responsables macronistes, a tenu à mettre les points sur les i : ce nouveau casting gouvernemental ne doit surtout pas être compris comme l'amorce d'un virage politique. Un discours qui n'a rien de nouveau. Chaque fois qu'un Premier ministre démissionne pour repartir aussitôt avec une nouvelle équipe, il affirme que l'objectif est de se donner les moyens de poursuivre la même politique. Ce fut le cas en 2010 comme en 2014, quand François Fillon et Manuel Valls ont formé de nouveaux gouvernements.

Sur Europe 1 dimanche, le ministre de l'Economie et des Finances Bruno Le Maire faisait l'exégèse de l'expression «nouveau souffle» utilisée par Richard Ferrand – avec, sans aucun doute, l'imprimatur de l'Elysée – : «On peut donner plus de souffle mais dans la même direction.» Avant même la démission de Collomb, c'est ce qu'avait expliqué une semaine plus tôt Emmanuel Macron depuis les Antilles, dans un entretien au JDD : «En aucun cas je ne changerai de politique. Je me suis engagé à procéder aux transformations que notre pays, depuis des décennies, avait évitées par le petit jeu du tic-tac de droite et de gauche ou par les lâchetés, petites ou grandes. […] Notre priorité n'est pas de durer, mais de faire.» Selon le chef de l'Etat, le pays se trouverait dans ce moment où «les résultats des réformes menées ne sont pas encore perceptibles». Pas question pour lui de renoncer comme l'ont fait «beaucoup de dirigeants politiques». Son Premier ministre Edouard Philippe avait tenu, en substance, le même discours fin septembre lors de l'Emission politique sur France 2. Il faut, disait-il, «avancer», même si «les réformes qui transforment profondément le pays» suscitent dans un premier temps «l'incrédulité, voire la désapprobation».

«Le rythme, c’est notre marque de fabrique»

Attachés à minimiser la portée politique de la crise de gouvernance qui a rendu nécessaire le remaniement, les dirigeants de la majorité soulignent que c'est bien le discours de Macron devant le congrès le 9 juillet dernier qui a inauguré l'an II du quinquennat et non pas les états d'âme de Nicolas Hulot puis de Gérard Collomb. A Versailles, Macron avait proclamé que la priorité de cette année serait de construire rien moins que «l'État-providence du XXIe siècle» en se fondant sur un système «émancipateur, universel, efficace». «Ce n'est pas pour rien», note une source ministérielle, si les noms de ministres engagés dans ces politiques (Agnès Buzyn, Muriel Pénicaud et Jean-Michel Blanquer) ne sont jamais cités parmi les éventuels sortants.

Le successeur de Richard Ferrand à la tête du groupe LREM à l'Assemblée nationale Gilles Le Gendre a été, lui aussi, très clair sur ce point. «Nous avons un programme de transformation historique, jamais le pays n'a été placé dans un tel mouvement, dans un tel élan de transformation […], si nous ne réformons pas à ce rythme, nous sommes morts. Le rythme, c'est notre marque de fabrique», plaidait-il sur RTL le 18 septembre. Mais s'ils martèlent que rien ne doit changer au rythme et à l'ambition des réformes, les stratèges de la Macronie reconnaissent un sérieux besoin d'explication. «On est face à une incompréhension», reconnaissait ce mardi matin sur France Inter le secrétaire d'Etat au numérique Mounir Mahjoubi. Il faut, selon lui, «passer plus de temps dans la coconstruction avec les territoires» et «aller plus loin dans l'écoute des syndicats».

Question de méthode, donc. Dimanche, dans le JDD, Richard Ferrand ne disait pas autre chose : après une première année «d'une grande verticalité», l'an II du quinquennat est censé être «celui de la République contractuelle». Pour les responsables de la majorité, la brutalité des premiers mois aura été un mal nécessaire : «Il ne fallait surtout pas donner raison à ceux qui disaient qu'on allait jamais réussir à faire passer les ordonnances sur le droit du travail et la réforme de la SNCF. Ils nous voyaient nous enliser dans l'impuissance», explique Gilles Le Gendre. Il appartient selon lui aux parlementaires de la majorité de valoriser les réformes entreprises afin de «réduire le fossé qui s'est creusé entre la réalité de ce que nous faisons et la perception qu'en ont les Français». Un projet audacieux que le «nouveau souffle» est censé rendre possible.