Une phrase prononcée ces jours-ci dans les allées du pouvoir veut tout dire : «Il nous faut un Blanquer de l'Intérieur.» Cela fait maintenant une semaine que Gérard Collomb a démissionné de la place Beauvau. Peut-être y aura-t-il un gouvernement dans une heure. Mais sept jours d'attente ! Un peu long, tout de même… De toute évidence, le «Blanquer de l'Intérieur» est un oiseau rare. Ou plutôt une chauve-souris : mi-technocrate, mi-politique, maîtrisant parfaitement les arcanes de son administration, dont il est issu. Mais aussi au fait des attentes de l'opinion en matière éducative, et donc suffisamment politique pour mettre en œuvre des réformes et conserver sa popularité, entre retour aux sources et modernité pédagogique, entre privé et public, entre égalitarisme et élitisme. C'est probablement le seul à avoir réussi à mettre en application le «en même temps» de la campagne macronienne.
La tâche est d'autant plus ardue que la recherche est plus large : on veut aussi «un Blanquer de la Culture» (ou une Blanquer…), un «Blanquer de l'Agriculture», un «Blanquer des Territoires», etc. C'est toute la difficulté du «nouveau monde» en politique : il bute sur la pénurie de ministrables crédibles. Les techniciens qui savent faire de la politique ne se trouvent pas sous le pied d'un cheval, ni dans les annuaires de l'ENA ou d'HEC. Un peu comme un normalien sachant écrire, un ingénieur poète ou un militaire dédié à la paix. Pour y parvenir, il faudrait «un Blanquer du recrutement»…
La politique est aussi un métier. C’est le fort de Blanquer de l’avoir compris d’emblée. Mais quand on veut se débarrasser de l’ancienne classe politique, on tombe forcément sur des néophytes. Le taux d’échec au gouvernement est par nécessité plus élevé, d’autant que l’équipe de la présidence, un commando de jeunes têtes d’œuf efficaces, manque cruellement d’expérience démocratique. C’est aussi sur les marchés et dans les réunions de parti qu’on apprend à être ministre. Quand on n’a jamais été élu et qu’on gagne tout de même une élection majeure, on a tendance à sous-estimer les pièges du suffrage universel. Bien sûr, les mauvaises langues, qui sont de plus en plus nombreuses en ces temps de disgrâce sondagière, ajouteront un codicille à cette analyse : ce qu’il nous faudrait, in fine, c’est un «Blanquer de l’Elysée».