Cela fait un an et demi que vous n’êtes plus député. Ça ne vous manque pas la vie de parlementaire ?
Je suis arrivé très tard en politique puisque Jacques Chirac m’a recruté après ma carrière sportive. Ce n’est donc pas toute ma vie. Mais évidemment que ça manque. Lors de votre premier mandat, vous découvrez un monde très particulier, vous touchez à tout et essayez plein de choses. Au deuxième, vous vous spécialisez – moi, c’était sur la défense. Et au troisième, vous régurgitez tout ça et vous essayez de livrer une bonne prestation. Mais on ne m’en a pas donné l’occasion, j’ai le sentiment d’avoir été arrêté au milieu du gué.
Comment avez-vous vécu l’entrée dans le «nouveau monde» ?
J'ai vécu 2017 comme une sorte de déclassement. Je me suis fait éjecter. La défaite et le sentiment de ne plus être dans le truc, je me disais : «Mon vieux, tu comprends plus rien.» Comme une mise au rebut, que ressentent aussi beaucoup de Français lorsqu'ils perdent leur job pour des raisons qui les dépassent. J'ai bien compris le message de mes électeurs : «Merci pour ce que vous avez fait, mais on n'a plus besoin de vous, au revoir.» (rires) Donc député, plus jamais, je suis vacciné ! Et puis mes anciens collègues toujours députés me disent tous : «On s'emmerde, on peut rien faire.» C'est peut-être pour être gentil avec moi et que je ne regrette pas trop. (rires)
Une anecdote sur votre vie de ministre ?
En Conseil des ministres, ça en imposait énormément. Lors d’un des premiers, alors que tout le monde était déjà installé, un huissier fait passer un petit billet à Chirac, qui fait «oui» de la tête : un retardataire entre alors, rouge des pieds à la tête, et va s’asseoir en essayant de se faire tout petit. La semaine d’après, même scène : un ministre en retard, l’huissier, le petit billet. Mais là, je me souviens de la tête furieuse de Chirac, qui fait un grand «non» de la tête sans dire un mot. Il avait connu la politique sous de Gaulle, il a tout de suite imposé un mode de fonctionnement très carré.
Comment jugez-vous le renouvellement massif des têtes à l’Assemblée depuis 2017 ?
Un groupe pléthorique comme LREM est par définition quasi impossible à gérer. Il y a les questions idéologiques, mais aussi des ego assez puissants. Et puis on a constaté une vraie méconnaissance du processus législatif au début du quinquennat. C’est un métier aussi, d’être député : vous êtes une structure unipersonnelle, vous gérez votre petite affaire, votre circonscription, votre job à côté si vous l’avez gardé…
Un conseil de roublard aux néodéputés ou ministres ?
Avant d’être ministre, j’avais passé sept ans à la mairie de Paris près de Jacques Chirac, j’avais appris ce qu’il fallait faire et ne pas faire. Par exemple, que le budget de votre portefeuille est un combat jusqu’au dernier instant : même le jour où c’est présenté en Conseil des ministres, il faut vérifier qu’il n’y a pas de coup de Jarnac. Et surtout, il ne faut jamais croire quelqu’un qui vous dit que votre budget est «sanctuarisé» !
C’est quoi pour vous, le «nouveau monde» ?
C’est du flan. On retrouve les mêmes ressorts politiques et humains, les mêmes échecs et l’absence de résultats, des extrêmes menaçants, des partis qui se cherchent, et puis de la cuisine politicienne. Macron a formalisé un nouveau monde virtuel, mais dans les faits, il est incapable de le livrer. Il a foiré son coup donc il n’y a pas de débat : il n’y a pas de nouveau monde.
Au final, la politique, c’était mieux ou moins bien avant ?
Fondamentalement, c’est ni mieux ni moins bien : c’est pareil. Et vous voulez que je vous dise ? Quelque part, tant mieux !