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Libération
Entretien

Christian Eckert : «A Bercy, on avait presque tous les jours des mauvaises nouvelles»

Ils ont connu le monde politique avant l’élection d’Emmanuel Macron et l’arrivée massive de «marcheurs» à l’Assemblée. Ils le racontent et le comparent au «nouveau monde». Aujourd’hui, l'ancien secrétaire d'Etat au Budget de François Hollande et ex-député PS, Christian Eckert.
Christian Eckert à Matignon le 30 mai 2014. (Sebastien CALVET)
publié le 22 décembre 2018 à 14h39
Chez Pol | Cela fait deux ans et demi que vous n’êtes plus ministre ni député. Ça ne vous manque pas trop ?

Quelque part, oui. Quand on est occupé et en responsabilité, c’est passionnant. Ce n’est pas tant être au cœur de l’action qui manque qu’être au cœur de l’information, de la réflexion, de la connaissance. Quand vous êtes retiré, vous avez l’information comme tout le monde. Aujourd’hui, je regarde très peu les débats, très peu les questions au gouvernement, ça m’énerve.

Vous rêviez de devenir ministre ?

J’ai toujours ambitionné de devenir député. Pas forcément ministre. Ma femme ne voulait pas que j’y aille. Elle avait peut-être raison. La fin a été dure et largement injuste.

Vous avez été maire, député, rapporteur du Budget, ministre… Quel mandat avez-vous préféré ?

L’Assemblée. C’est un lieu de travail intellectuel gigantesque. On peut s’informer et réfléchir sur tous les thèmes avec les meilleurs spécialistes. Et c’est toujours le cas. L’antiparlementarisme ambiant est malheureux et gâche beaucoup de choses. Mais les parlementaires (Cahuzac, Thévenoud, Balkany) ont leur part de responsabilité.

Quelle anecdote n’avez-vous jamais racontée ?

Lorsqu’Emmanuel Macron, ministre de l’Economie, poussait pour la privatisation de la Française des Jeux (qu’il a finalement lancée comme Président), j’ai laissé entendre à François Hollande que je pouvais démissionner. J’avais prévenu que si on décidait de faire ça, je ne serais pas celui qui siégerait au banc des ministres. Mais le Premier ministre Manuel Valls a finalement arbitré en ma faveur.

La buvette de l’Assemblée est souvent fantasmée. A tort ou à raison ?

J’y ai souvent déjeuné et dîné, comme je siégeais beaucoup. Il y avait toujours les socialistes à l’entrée à gauche. J’y étais souvent avec Henri Emmanuelli qui m’appelait «le boche» parce que je suis Lorrain. On était là quand François Hollande m’a appelé pour me nommer ministre. Il m’a immédiatement chambré.

Avec quel élu vous êtes-vous engueulé le plus violemment ?

J’ai eu une grosse engueulade avec Stéphane Le Foll pour une histoire d’horaire et de ponctualité. Au point d’annuler une réunion sur le budget à cause de son comportement. J’avais 7 minutes de retard. On était à Bercy. Il s’est énervé et j’ai tout annulé.

Quel est votre plus grand moment de solitude dans votre carrière ?

A Bercy, car on avait presque tous les jours des mauvaises nouvelles. Mais on s’habitue et on relativise.

Comment jugez-vous la politique depuis 2017 ?

Le renouvellement, c’est de la foutaise. Beaucoup d’acteurs de l’autoproclamé 'nouveau monde' étaient de l’ancien. Gabriel Attal par exemple, ce n’est pas le perdreau de l’année [mais le secrétaire d’Etat à l’Education nationale, ndlr]. Il y a beaucoup d’anciens collaborateurs, de fonctionnaires. J’ai été adjoint au maire, maire, député. J’ai fait toutes les inaugurations, expositions… Aujourd’hui, ils cherchent des élus et des députés sans expérience! Les gens ont marché dans cette combine. Mais les anciens PS devenus LREM, je ne les supporte pas. Je trouve ça même scandaleux. Je me suis fâché avec tous. Il n’y avait pas plus à gauche que Dussopt et il est au gouvernement ! Je lui ai envoyé un SMS avec toutes les insultes que j’ai trouvées. Ou Olivier Véran qui récite ses éléments de langage. Ça me fait pleurer. Ils n’ont aucune excuse.

La politique, c’était donc mieux avant ?

Globalement, c’était mieux même s’il y avait des choses à corriger. J’ai peur que les populismes, surtout de droite, soient nourris par la politique actuelle. Quand on martèle comme Macron que tous les politiques sont des incapables, je crois qu’on en arrive à des discours réducteurs. Je suis inquiet sur la forme que prend la vie politique.