S'il ne renonce pas à proclamer que le nationalisme est une impasse, Emmanuel Macron baisse clairement d'un ton. Dans sa tribune publiée ce mardi dans les vingt-huit Etats de l'Union européenne, il se garde bien de dramatiser, comme il a pu le faire dans le passé, la menace d'une «lèpre» comparable à celle qui a dévasté l'Europe dans les années 30. «Nous ne pouvons pas laisser les nationalistes sans solution exploiter la colère des peuples. Nous ne pouvons pas être les somnambules d'une Europe amollie», conclut-il toutefois après avoir exposé une série de mesures susceptibles, selon lui, d'ouvrir la voie d'une «renaissance européenne».
Tout pour plaire aux électeurs de droite
Beaucoup de ses mesures ont d'ailleurs tout pour plaire, partout en Europe, aux électeurs de droite. La «remise à plat» de l'espace Schengen avec «une politique d'asile» et une «police des frontières» commune aux Vingt-Huit n'a-t-elle pas été le cheval de bataille des campagnes électorales de Nicolas Sarkozy ? Il y a une dizaine d'années, le même Sarkozy, alors président de la République, avait d'ailleurs lui aussi parlé d'une «nouvelle renaissance» en Europe, grâce à la mise en œuvre d'une assez nébuleuse «politique de civilisation». A l'Europe «marché sans âme», Macron oppose «un projet» fondé sur «des frontières qui protègent» et «des valeurs qui unissent». Il s'agit, poursuit-il, de «réinventer politiquement, culturellement, les formes de notre civilisation dans un monde qui se transforme».
Réagissant à cette tribune, le chef de LR Laurent Wauquiez s'est empressé, devançant les porte-parole de l'extrême droite, de pointer le silence coupable du chef de l'Etat sur les «vrais sujets» : «Emmanuel Macron parle de protéger notre continent. Et il ne dit rien sur l'immigration massive ? Rien sur l'islamisme ? Comme toujours, on parle, on cache les sujets difficiles…» Mais le chef de file de la liste LR aux européennes, François-Xavier Bellamy, a confié sur France Inter qu'il avait été «frappé de voir à quel point Macron infléchit son discours sur l'Europe». «Quelle est sa véritable vision de l'Europe ?» s'est-il interrogé mardi matin sur France Inter, avant de répondre qu'à ses yeux, pas de doute, le vrai Macron restait un incurable fédéraliste ultralibéral.
Heureuse coïncidence
«Cette tribune, elle aurait dû être écrite par ma famille politique», lui a répondu, sur Public Sénat, l'ancien patron de l'UMP, le maire LR de Meaux Jean-François Copé. C'est aussi l'avis de l'ancien Premier ministre de Jacques Chirac Jean-Pierre Raffarin qui a choisi ce moment pour annoncer, dans le Figaro, son ralliement à Macron pour les élections européennes : «Il s'agit du projet européen le plus abouti. […] Un projet fondé sur un constat lucide d'extrême gravité du monde, avec une vision ambitieuse, de renaissance européenne, avec une volonté de progrès sociale et libérale. L'intuition que nous avions eue avec Alain Juppé, après le discours de la Sorbonne d'Emmanuel Macron, se confirme aujourd'hui.»
Il se trouve que ce ralliement coïncide avec l'initiative de douze partis conservateurs de l'UE qui demandent l'exclusion du Premier ministre populiste hongrois Viktor Orbán et de son parti le Fidesz du groupe Parti populaire européen (PPE) qui fédère les droites européennes au Parlement de Strasbourg. Une heureuse coïncidence pour le président français dont l'un des objectifs est précisément de provoquer une scission entre les souverainistes et les proeuropéens qui cohabitent au sein du PPE. Une nouvelle contrariété pour le parti de Laurent Wauquiez qui a toujours considéré qu'Orbán avait «toute sa place» au sein du PPE. François-Xavier Bellamy s'est élevé mardi matin contre cette procédure d'exclusion. Une «dangereuse fracturation» qui tend à «valider le face-à-face populistes contre progressistes» s'est inquiété le candidat de la droite française.