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Chez Pol

Jean-François Copé : «Etre député aujourd’hui ne sert à rien»

Ils ont connu le monde politique avant l’élection d’Emmanuel Macron et l’arrivée massive de «marcheurs» à l’Assemblée. Ils le racontent et le comparent au «nouveau monde». Aujourd’hui, l'ancien ministre du Budget et président de feu l'UMP, Jean-François Copé.
Au QG de Jean-François Copé à Paris, le 20 novembre 2016, lors du premier tour de la primaire de la droite et du centre pour l'élection présidentielle de 2017. (Photo Boris Allin. Hans Lucas)
publié le 15 mars 2019 à 12h48
Vous n’êtes plus député depuis 2017. Est-ce que ça vous manque ?

Je ne regrette pas un seul instant d'avoir lâché l'Assemblée pour me consacrer à mon mandat de maire, qui est le plus concret et sans doute le plus utile aux Français – en dehors de la fonction présidentielle.

Vous avez été député, ministre, président de parti, porte-parole du gouvernement… Quel poste avez-vous préféré ?

J'ai tout adoré ! Je n'ai rien fait par contrainte et j'ai tenté d'imprimer ma marque à chaque fois. Regardez par exemple la vague bleue aux municipales et aux européennes 2014 quand je présidais l'UMP. Ça fait quelques jaloux aujourd'hui. (Rires)

La buvette de l’Assemblée est souvent fantasmée. A tort ou à raison ?

Ce n'est pas fantasmé, il peut s'y passer des choses. En 2010, Sarkozy et Fillon ne voulaient pas de la loi sur l'interdiction de la burqa. Ils ont voulu nous empêcher de la faire. Avec Fillon, on s'est sérieusement expliqués à la buvette. Je lui ai clairement dit qu'on ne céderait pas.

Votre plus grand moment de solitude ?

Le lendemain de ma démission de la présidence de l'UMP, le 28 mai 2014. C'est un sentiment d'injustice : je sais très bien que je suis innocent dans l'affaire Bygmalion [il a bénéficié d'un non-lieu, ndlr]. Et puis ce déferlement de haine, c'était terrible. Je me suis demandé pourquoi j'avais consacré ma vie à la politique. Ah oui, pour la France.

Racontez-nous une anecdote peu connue de votre vie politique.

En 2003, en pleine crise irakienne. Jeune, j'étais assez spontanément atlantiste. Forcément, en tant que porte-parole du gouvernement, j'étais gêné dans mon expression et Chirac a fini par le savoir. Il m'a convoqué dans son bureau. Je pensais prendre une soufflante. Mais non. Il m'a fait un cours de vingt minutes sur l'Orient, lumineux. Il m'a dit : «Depuis Paris ou Washington, on n'y comprend rien mais la vérité est très simple. Rien ne peut arrêter le combat entre chiites et sunnites et les Occidentaux n'ont rien à y faire.»

Quelle est la scène la plus incroyable de votre carrière ?

Le 21 avril 2002. En fin d'après-midi, on est au QG de campagne, dans une espèce de local improbable, une ancienne maison de passes. Chirac nous briefe. Il est persuadé qu'il va être face à Jospin. Villepin nous apporte les premières estimations donnant Le Pen en finale. Chirac s'énerve : «Ecoutez Dominique, laissez-nous, on travaille.» Rebelote quelques minutes plus tard. Chirac s'emporte : «Je ne veux plus voir un sondage !» Le ton monte. Sarkozy dit : «Mais enfin, il faut qu'on ait les sondages !» Mais Chirac continue. Et puis il s'arrête : «Remarquez, Bernadette me l'avait prédit…» Silence de mort. On est tous là, dans ce décor rococo, et Bernadette Chirac, sur un canapé, rétorque : «Oui, mais je ne le souhaitais pas, Jacques

Comment jugez-vous l’Assemblée nationale aujourd’hui ?

Mon concept de coproduction législative permettait aux députés d'avoir une vraie liberté d'initiative. Comme il y avait cette liberté, la majorité n'a jamais fait défaut à l'exécutif. Les députés UMP de l'époque racontent que c'était une forme d'âge d'or de l'Assemblée. Aujourd'hui, il y a un affaissement de la fonction parlementaire. Le non-cumul des mandats a considérablement affaibli la connexion avec le terrain. La nouvelle majorité est arrogante. Et puis il y a des symboles. Que l'Assemblée ait autorisé les hommes à siéger sans cravate, c'est plus qu'un petit signe. La cravate est une marque de respect pour les institutions.

Vous avez un conseil à donner aux nouveaux élus ?

Quittez l'Assemblée et devenez maire. Etre député aujourd'hui ne sert à rien.

Vous savez combien coûte un pain au chocolat désormais ?

Bien sûr. Mais j'ai pris une décision irrévocable : je ne répondrai plus jamais à aucune question sur aucun prix d'aucun produit. (Rires)

Au final, la politique, c’était mieux ou moins bien avant ?

C'est surtout qu'on ne peut plus continuer comme ça.