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Au Parlement européen, les partis français plutôt fidèles à leur groupe

Pour les partis de l'«ancien monde» qui présentent une liste aux européennes, l’étude des quarante dernières années montre une stabilité à toute épreuve à Strasbourg, surtout pour les formations de gauche.
publié le 10 avril 2019 à 9h12

Dans un mois et demi, il faudra choisir parmi douze, quinze, peut-être vingt listes aux élections européennes, au terme desquelles la France enverra 79 députés siéger à Strasbourg. Dans le paysage politique morcelé de l’après-2017, difficile de savoir quels partis tireront leur épingle du jeu, et où, ensuite, ils siégeront au Parlement européen.

En tout cas, pour les nouveaux partis, car pour ceux de l'«ancien monde», l’étude des quarante dernières années montre une stabilité à toute épreuve. A Strasbourg, ce qui bouge le plus, ce sont les noms des groupes parlementaires : les partis français, eux, sont d’une fidélité presque sans faille, particulièrement à gauche. Le Parti communiste a toujours siégé au sien du même groupe communiste, même si celui-ci s’est tour à tour appelé Communistes et apparentés, puis Coalition des gauches, puis Gauche unitaire européenne. Idem pour le Parti socialiste, qui siège sans discontinuer depuis 1979 au sein du groupe socialiste aujourd’hui appelé S&D (Alliance progressiste des socialistes et démocrates), ou pour EE-LV et les Verts avant eux, qui siègent depuis leur entrée au Parlement européen en 1989 au sein du Groupe des Verts.

A droite, l’histoire est plus complexe. Très forte (et très pro-européenne) à l’époque de la première élection européenne, en 1979, l’UDF s’est pendant vingt ans partagée entre le groupe libéral-démocrate et centriste qui correspond aujourd’hui à l’ADLE (où siègent l’UDI et le Modem) et le groupe démocrate-chrétien conservateur du Parti populaire européen (PPE). Pour marquer sa différence, le RPR d’alors siégeait dans un autre groupe plus conservateur, le Rassemblement des démocrates européens. En 1999, RPR et UDF se retrouvent enfin dans un seul groupe, celui du PPE, prélude à leur fusion au sein de l’UMP trois ans plus tard. En parallèle émerge à partir de 1994 une droite alternative, souverainiste et eurosceptique, incarnée notamment par Charles Pasqua (Rassemblement pour la France, RPF) et Philippe de Villiers (Mouvement pour la France, MPF). Les deux partis siégeront dans des groupes aux noms et frontières mouvants mais jamais, bien sûr, au PPE.

Pour le Front national (devenu Rassemblement national), la principale difficulté a toujours été d’avoir un groupe, quel qu’il soit. Présent à Strasbourg sans discontinuer depuis 1984, le parti lepéniste n’a pourtant réussi à faire partie d’un groupe d’extrême droite qu’après les élections de 1984, 1989 et 2014 – et quand il y est parvenu, cela a rarement duré toute une législature. Car pour constituer un groupe à Strasbourg, il faut un nombre d’eurodéputés suffisant, mais également issus d’un nombre de pays minimum : 25 membres et 7 pays actuellement. Or de ce côté-là de l’échiquier politique, les querelles de chapelle sont fréquentes : considéré infréquentable par les uns, le FN se bouche aussi le nez face à d’autres (les Grecs d’Aube dorée ou les Hongrois du Jobbik par exemple). Ce qui explique qu’après sa victoire française aux européennes de 2014, le Front a mis un an à mettre sur pied «son» groupe parlementaire européen, l’Europe des nations et des libertés, alors qu’un autre groupe d’extrême droite (l’Europe de la liberté et de la démocratie directe, comptant les Britanniques de l’Ukip et les sécessionnistes frontistes récents comme Florian Philippot) y existait déjà.

La petite histoire des partis français à Strasbourg compte enfin ses petites histoires. En 1999, les frères ennemis du trotskisme, Lutte ouvrière (LO) et la Ligue communiste révolutionnaire (LCR, devenue depuis le Nouveau parti anticapitaliste, NPA) font liste commune et obtiennent cinq sièges en franchissant d’un chouïa la barre des 5%. Arlette Laguiller, Alain Krivine et trois autres membres des deux partis se retrouvent au Parlement européen où ils décident de siéger pendant cinq ans au sein du groupe parlementaire… de la Gauche unitaire européenne, aux côtés entre autres de députés du PCF. Ambiance garantie à la cantine pendant cinq ans.

Détail des noms des groupes
Communiste : Communiste et apparentés ; Coalition des gauches ; Gauche unitaire européenne.
Socialiste : Parti socialiste européen ; Alliance progressiste des socialistes et démocrates.
Radical : Alliance radicale européenne.
Ecologiste : Verts ; Verts/Alliance libre européenne.
Centriste : Libéral et démocratique ; Libéral, démocratique et réformateur ; Alliance des démocrates et des libéraux.
PPE : Parti populaire européen.
Conservateur : Démocrates européens de progrès ; Rassemblement des démocrates européens.
Eurosceptique : Europe des nations ; Europe des démocraties et des différences ; Indépendance et démocratie.
Souverainiste : Union pour l'Europe des nations.
Extrême droite : Droites européennes ; Europe des nations et des libertés.