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Libération
Billet

Chez LREM, la politique cynique du parti unique

Marlène Schiappa et Edouard Philippe, à l'Assemblée nationale, le 5 mars. (Photo Jacques Demarthon. AFP)
publié le 10 juin 2019 à 15h39

«Etes-vous prêts à faire passer votre pays avant votre parti ?» Le pluralisme, ennemi de la patrie, il fallait oser. Dans une tribune publiée par le Journal du dimanche, la ministre Marlène Schiappa, avec sa casquette de responsable du débat d'idées à LREM, la députée Olivia Grégoire, responsable des études au sein du parti présidentiel, et son collègue Laurent Saint-Martin, chargé de la prospective, signent un appel enjoignant l'ensemble des sensibilités ­politiques de gauche, de droite et du centre à rejoindre fissa le paquebot macronien. Déniant au PS comme à LR non pas la capacité mais tout bonnement la légitimité de se remettre en selle au nom de valeurs dont ils jugent LREM dépourvu.

Les électeurs ont certes fait parler la poudre en balayant le PS en 2017 puis LR en 2019 – sanctions des urnes par nature légitimes – mais le pouvoir, enfermé dans une ­vision binaire du champ politique, ne prend-il pas un risque inconsidéré à assécher comme il s'emploie à le faire ses oppositions ? Et à ranger par ailleurs sciemment dans le même sac, celui des «extrêmes», La France insoumise et le Rassemblement national ? A force de résumer l'époque à l'affrontement des «progressistes» contre les «nationalistes» – ce qui ne peut que ravir les seconds, fort satisfaits de ce statut de premier adversaire – la majorité s'arroge sans vergogne l'exclusive du champ républicain utile. La droite et la gauche ? De vulgaires obstacles au progrès macronien. Faire barrage au RN est certes un projet légitime. Mais force est de constater que deux ans de pouvoir macronien n'ont pas constitué un ­antidote efficace à la montée du vote d'extrême droite, qui vient d'obtenir en France un nombre record de suffrages à des européennes. Lors de ce scrutin, l'ex-LR Jean-Pierre Raffarin avait déjà entonné le refrain selon ­lequel ne pas voter Macron c'était ­voter contre son pays.

Si cette tentation hégémonique est le propre de tout parti dominant, il y a quelque chose de singulier chez ces marcheurs exaltés. Car le projet mis sur la table n'est pas la cohabitation au sein d'une fédération où ­chacun, pour rejoindre l'aventure, n'aurait rien à renier de ce qu'il est. Non, la proposition tient plus de la mise en ordre de marche, au pas, ­derrière Macron et son autoproclamé camp du bien. Ce qui fait dire au ­premier secrétaire du PS, Olivier Faure qu'il y a «quelque chose de totalitaire dans la pensée des marcheurs. Quelque chose de soviétique dans leur foi et/ou une dose de cynisme jamais atteinte. Je ne sais. Ils nient les alternatives démocratiques. Ils ne sont pas une digue, ils portent le chaos». Eminence grise du Premier ministre, Gilles Boyer avait, lui, lancé, avant de se corriger, que les maires LR n'acceptant pas de toper avec LREM pour les municipales seraient considérés non pas comme des adversaires mais comme des «ennemis»du pouvoir. Une certaine idée du pluralisme.