Les assistants parlementaires et journalistes qui patientent sur leur portable avant l'arrivée des députés écarquillent soudain les yeux. Dans le couloir, des collaborateurs briefent en catastrophe quelques élus qui n'étaient pas au courant de la démission du ministre de la Transition écologique, François de Rugy, avant leur entrée salle des Quatre-Colonnes, au cœur de l'Assemblée nationale. Une députée LREM, pas franchement à l'aise, dans un coin : «J'essaie de traverser la pièce incognito !»
François-Michel Lambert, ex-écolo passé par LREM qui siège désormais au groupe Libertés et territoires, apprend la nouvelle par les journalistes et se jette sur son téléphone pour vérifier. «Oui, je regrette sa démission, c'est mon ami», commente-t-il, laconique, avant de regretter «la recherche absolue de pureté» demandée aux élus. «N'importe quel symbole fera tomber le prochain homme politique. Hier, c'était les emplois familiaux, aujourd'hui des dîners… Demain, ce sera une voiture à 50 000 euros alors qu'il y en a à 20 000.»
«Vous êtes déjà coupable»
Damien Abad (LR) salue «une décision sage et raisonnable, devenue inéluctable depuis que le président de la République a brisé la jurisprudence» qui veut que le chef de l'Etat n'évoque pas les sujets nationaux à l'étranger. «Il fallait cette clarification, nécessaire pour éviter de jeter le discrédit sur l'ensemble de la représentation nationale», poursuit-il. Lundi soir en Serbie, Emmanuel Macron avait expliqué attendre les résultats de l'enquête sur les frais de François de Rugy pour décider de son maintien ou non au gouvernement.
Du côté de LREM, pourtant, personne n'est réellement soulagé par cette démission surprise. «C'est un peu gênant, il cède à la pression médiatique. Le prochain sur lequel la presse sort quelque chose tombera d'office», prédit une députée macroniste, surprise par l'annonce car «ce matin, la réunion de groupe n'était pas violente ni à charge contre Rugy». «Il n'était pas, loin de là, le ministre le plus bling-bling de la République», s'étonne un autre. Jean-Baptiste Djebbari pointe, lui, ce «temps médiatique» : «Vous avez à peine le temps de vous défendre, vous êtes déjà coupable. C'est problématique pour notre démocratie.» Sur la même ligne, Olivia Grégoire déplore que la démission du ministre intervienne avant le résultat des investigations : «C'est important qu'on retrouve ce temps de la présomption. On ne peut passer directement de l'image à la condamnation, il faut ce temps du doute. Sinon, on y perdra tous.»