Depuis mercredi soir, les cadres de la majorité se répandent dans tous les médias pour dire combien ils «regrettent» la candidature à Paris de Cédric Villani, le député mathématicien accusé de violer «les règles du parti», installant la division là où le rassemblement devrait régner. Inquiets de voir le candidat officiel de la majorité, leur ami Benjamin Griveaux, sérieusement fragilisé, ils n'hésitent pas, dans leur emportement, à réécrire l'histoire.
Icône pendant la campagne législative
Le patron de LREM, Stanislas Guerini, sur Europe 1, comme la porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye, sur BFM TV puis sur France Inter, ont ainsi développé l'argument selon lequel Villani, mauvais joueur, refuserait à Paris les règles qui ont rendu possible son élection à l'Assemblée nationale. La Commission nationale d'investiture (CNI) qui a choisi Griveaux en juillet 2019 serait «la même» que celle qui a «permis à Cédric Villani de devenir député de l'Essonne» en juin 2017, a assuré Guerini. Ndiaye, elle, soutient que le dissident «a accédé aux responsabilités par un processus qu'il dénonce aujourd'hui». Dans la cinquième circonscription de l'Essonne, il aurait été retenu par la CNI parmi «des centaines de candidats». De fait, cette commission, alors présidée par Jean-Paul Delevoye, a eu à départager en moyenne plus d'une trentaine de candidatures dans plusieurs centaines de circonscriptions où la compétition était ouverte. Ce qui, pour la circonscription de Cédric Villani, n'était pas le cas.
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«Fake news», proteste le camp Villani, rappelant qu'après l'élection d'Emmanuel Macron, les dirigeants du jeune parti LREM «sont allés chercher» le mathématicien pour lui demander d'être candidat : «Pour les marcheurs, Villani était une prise de guerre. Il n'a évidemment pas eu à envoyer à la CNI son CV et sa lettre de motivation.» De fait, Villani a été mis en avant comme une icône pendant la campagne des législatives : il incarnait à la fois la «bienveillance» et «l'ouverture à la société civile» célébrée par En Marche. En 2017 dans la cinquième circonscription de l'Essonne, la CNI n'a eu qu'à valider une décision incontestable, ardemment souhaitée par le président élu le 7 mai 2017. Rien à voir, donc, avec l'arbitrage rendu par la CNI le 10 juillet qui était manifestement loin d'être une évidence, même si cette commission s'est prononcée à l'unanimité pour Griveaux.
Comparaisons «hallucinantes»
Villani a répété ce mercredi sur RMC qu'il plaçait «la loyauté» envers ses propres «engagements» au-dessus de «l'obéissance à un appareil». Glissant au passage qu'il avait des «échanges» avec Jean-Louis Borloo et François Bayrou, il maintient que sa démarche est dans la continuité de celle d'Emmanuel Macron, lui qui a voulu «rassembler au-delà des clivages, parler directement aux citoyens et s'ouvrir à la société civile». Agacée, Sibeth Ndiaye explique à Libération qu'elle trouve «hallucinantes» les comparaisons entre Villani et le fondateur d'En Marche : «Macron n'était pas adhérent du PS. Il a quitté le collectif gouvernemental pour prendre son risque et fonder son propre mouvement politique.» Lequel mouvement est toutefois peuplé d'anciens du PS et de LR qui se sont, eux, affranchis des règles de leurs partis et en ont été récompensés…