Ils ont connu le monde politique avant l'élection d'Emmanuel Macron et l'arrivée massive de «marcheurs» à l'Assemblée. Ils le racontent et le comparent au «nouveau monde». Aujourd'hui, l'ancien secrétaire d'Etat aux Relations avec le Parlement et ex-député PS Jean-Marie Le Guen.
Vous n’êtes plus ministre, ni député depuis 2017. Est-ce que ça vous manque ?
Objectivement, non. Je ne voulais pas vieillir à l’Assemblée. Et puis je n’ai pas été battu, j’ai décidé de ne pas me représenter, c’est différent. Sinon, j’aurais sûrement gagné car j’aurais eu l’investiture d’En marche, et vu comment ça s’est passé…
Vous avez été chef des jeunes socialistes, conseiller régional, secrétaire d’Etat chargé des Relations avec le Parlement, secrétaire d’Etat à la Francophonie, député, conseiller de Paris… Quel rôle avez-vous préféré ?
Vous avez oublié que j’ai été président du conseil d’administration de l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris. Et c’est finalement ce que j’ai préféré. Comme parlementaire de l’opposition, je me suis bien amusé sur les questions de santé. C’était à la fois sportif et combatif. Et puis en tant que secrétaire d’Etat aux Relations avec le Parlement… Ça a été une période très détestable, une guerre sans répit avec des gens censés être de notre famille politique, un déchirement qui va avoir des répercussions pour longtemps.
A l’Assemblée nationale, la buvette est le lieu de tous les fantasmes. Vous confirmez ?
Oui, c’est vrai. Ministre, j’y allais souvent. Ça permet de parler dans un cadre moins formel à des collègues de son groupe ou à des adversaires. Je continue d’y aller, parfois. Il y a un an, j’y ai croisé Eric Ciotti et Guillaume Larrivé. On a discuté du «nouveau monde» et de la superficialité de cette affirmation.
Quelle est la personnalité politique qui vous a le plus impressionné ?
François Mitterrand. J’appartiens à cette génération qui est venue à la politique avec lui. C’est la personne qui est au-dessus des autres, même avec ses faiblesses et ses insuffisances. A un autre niveau, il y a Nicolas Sarkozy. C’est un personnage, une énergie, une quête d’être aimé d’une part et aussi une authenticité de sa démarche, indépendamment de ses choix politiques.
Quelle est l’action dont vous êtes le plus fier ?
Faire voter la loi Evin sur le tabac et l’alcool, en 1991 [dont il a été le rapporteur, ndlr]. C’était une belle loi mais c’était compliqué : il a fallu convaincre les députés des régions viticoles de mon groupe… Ça a été un combat très difficile, un choc politique extrêmement violent. Certains députés, comme François Patriat [alors député de la Côte-d’Or] pensent qu’ils ont été battus aux législatives de 1993 à cause de ça.
Quel a été votre plus grand moment de solitude ?
Quand j’étais ministre des Relations avec le Parlement. Ce n’était pas une solitude complète parce que j’étais en phase avec le Premier ministre mais on était isolés sur un bateau en train de couler. Le point de rupture a été en décembre 2015, lorsqu’on nous a présenté en Conseil des ministres le projet de loi sur la déchéance de nationalité. Là, j’ai senti la fracture. Sur tout le reste, je pense que l’histoire nous donnera raison. D’ailleurs, c’est l’ancien ministre de l’Economie qui a été élu Président, pas le chef des frondeurs.
Avec lequel de vos adversaires politiques auriez-vous pu partir en vacances ?
Ça aurait été possible avec Xavier Bertrand. J’ai aussi croisé Jean-Pierre Raffarin en vacances il y a quatre ou cinq ans. On faisait de la marche dans les Alpes et on s’est retrouvés par hasard dans un refuge. On a beaucoup d’analyses communes sur la situation actuelle.
Au final, la politique, c’était mieux ou moins bien avant ?
Le «nouveau monde» tel que décrit par certains macronistes est une illusion teintée d’une certaine forme de populisme. Cette prétention à vouloir faire table rase est ridicule et dangereuse. Je ne crois pas à la nouvelle politique façon «le petit Jésus est arrivé en 2017» même si, force est de constater que le politique est très détérioré aujourd’hui. C’était plus facile avant, moins individualiste qu’aujourd’hui. Il y avait des règles, des structures. Désormais, c’est chacun pour soi.
(Extrait de Chez Pol, notre newsletter politique quotidienne réservée aux abonnés)