«Il y a trop de voitures et de chauffeurs de fonction. Cela n'a aucun sens, à l'heure de l'urgence climatique…» C'est ce qu'a avancé Benjamin Griveaux, candidat LREM à la mairie de Paris dans une interview au Figaro lundi. Celui qui, il y a quelques semaines, ne voyait aucun intérêt à s'exprimer sur la question de la suppression ou non des voitures de service dont bénéficient les maires d'arrondissement et les élus de la Ville a finalement décidé de s'emparer de ce sujet mis sur la table depuis plusieurs années par certains, au premier rang desquels les écologistes.
Quelle est la situation à Paris ?
Tout part de la loi Paris-Marseille-Lyon (PML), datant de 1982, qui fixe le statut particulier des trois villes les plus peuplées de France, en définissant l'échelon de mairie d'arrondissement. Et octroie notamment un véhicule de service avec deux chauffeurs aux maires d'arrondissement. Chacun a la possibilité ou non de les utiliser dans le cadre de sa fonction. Aujourd'hui à Paris, seuls deux élus (les maires écolo du IIe arrondissement et PS du IVe) ont fait le choix de ne pas jouir du véhicule de service dont ils bénéficient.
La flotte parisienne actuelle fait office d’un «pool» unique composée de vingt voitures au sein duquel la maire de Paris ainsi que les maires d’arrondissement peuvent réserver un véhicule de service avec deux chauffeurs au jour le jour et à la carte. Depuis l’arrivée d’Anne Hidalgo, en 2014, des véhicules hybrides ou 100% électriques ont remplacé les moteurs diesel.
En 2010, Bertrand Delanoë avait déjà mis fin au système de voitures de fonction avec chauffeurs attitrés. «Il n'y a plus de véhicule de fonction depuis, seulement des véhicules de service», insiste la Ville de Paris, dans un souci d'efficacité et de réduction des coûts budgétaires. La distinction est d'importance puisque dorénavant, les élus ne peuvent plus faire usage de leurs véhicules en dehors de leur temps de travail, durant leurs congés ou encore pendant les week-ends. Les véhicules de service sont exclusivement destinés aux déplacements professionnels, avec une tolérance pour les trajets domicile-travail. A ce titre, le véhicule de service n'est plus considéré comme un avantage en nature, car non soumis à l'impôt. Ce qui était le cas pour les véhicules de fonction. «L'utilisation strictement professionnelle de ces véhicules par les maires d'arrondissement est donc limité aux déplacements dans le cadre de leur mandat parisien», précise la Ville, qui assure que «la municipalité déploie des actions pour réduire l'impact budgétaire et environnemental des déplacements des élus».
Que réclament les écologistes et pourquoi ?
En dépit de ces mesures, certains jugent toujours la note salée. A l’année, le coût d’entretien d’une voiture de service est de 30 000 euros, selon une source proche de la mairie. En moyenne, si l’on ajoute le salaire des chauffeurs, le budget atteint 150 000 euros par an. Et face à la défiance croissante des citoyens envers leurs représentants, plusieurs édiles fustigent aujourd’hui cet avantage jugé indécent pour la population et à rebours de la préservation de l’environnement.
Du côté d’Europe Ecologie-les Verts, précurseur sur le sujet, on se réjouit à l’idée que certains, au Parti socialiste comme chez Les Républicains, prennent la mesure de cet enjeu à quelques mois avant les municipales.
«J'ai demandé à ce que la dotation connexe à ma voiture de service soit réinjectée dans mon "état spécial d'arrondissement" [le budget de fonctionnement élaboré par chaque mairie d'arrondissement, ndlr]. Un jour ou l'autre, il faudra que les dirigeants et autres élus acceptent cet état de fait, inéluctable», martèle Jacques Boutault, maire du IIe arrondissement de Paris depuis 2001. L'écologiste est bien déterminé à ce que les voitures de service ne fassent plus partie des postes de dépenses des mairies d'arrondissement. «Je circule avec un vélo de fonction estampillé "mairie de Paris". Mes collègues ont également la possibilité de choisir cette option. Ils ne le font pas, pourquoi ?»
En juin 2014, une demande de vœu avait été déposée par les élus EE-LV puis débattue lors du Conseil de Paris. Faute de majorité, les véhicules de service avaient été maintenus par la municipalité.
Côté LR aussi, certains sont prêts à embrayer. Rue de Lisbonne à Paris, depuis son immense bureau de la mairie du VIIIe arrondissement, Jeanne d'Hauteserre montait au créneau sur le sujet l'été dernier, sur fond d'affaire Rugy : «Les représentants du peuple doivent réduire leur train de vie et adopter des choix de gouvernance qui soient mieux compris par nos concitoyens.» Celle qui est candidate à sa succession poursuit : «La loi PML doit être amendée. Il est préférable que le Conseil de Paris valide cette demande. C'est de l'argent public et une question de volonté politique.» Jeanne d'Hauteserre dit toutefois qu'elle ne renoncera à ce dispositif qu'à la condition sine qua non que tous les autres maires d'arrondissement le fassent également.
Comment réagissent les autres candidats à la mairie de Paris ?
Quelques têtes de listes pour les municipales de 2020 s'accordent sur la nécessité de modifier la loi PML. Et évidemment celle des écologistes : «J'ai réclamé la suppression des voitures avec chauffeur dès le premier Conseil de Paris, lors de l'investiture de l'actuelle maire, Anne Hidalgo», rappelle David Belliard, chef de file du groupe EE-LV au Conseil de Paris et candidat en mars prochain.
Les ors de la République, son ostentation, les voitures de fonction font parfois perdre pied avec la réalité. Soyons + simples et + accessibles ds la façon d'exercer les responsabilités.
— David Belliard (@David_Belliard) July 12, 2019
A #paris, nous supprimerons les voitures avec chauffeur des maires d'arrondissement (3/3)
Même son de cloche pour Ariel Weil, maire PS du IVe arrondissement, qui lui aussi circule en vélo et qui propose «une solution alternative». L'objectif ? «Instaurer un système d'abonnement à des taxis.» D'autres partis politiques soutiennent cette proposition moins coûteuse pour la collectivité car plus propice aux économies.
Plus à gauche de l'échiquier politique, il n'est pas question que l'on continue à abuser de ces voitures. «Ils n'ont qu'à prendre le métro ou le bus comme tous les Parisiens. C'est une question de principe, insiste Danielle Simonnet, tête de liste de La France insoumise en binôme avec l'ex-footballeur Vikash Dhorasoo. Nous devons montrer l'exemple et encourager la population à préserver l'environnement et arrêter de gaspiller inutilement de l'argent. En revanche, aucun licenciement ne doit être instauré dans le cas où le Conseil validerait à l'unanimité cette demande.» Contactés par Libération, Benjamin Griveaux (LREM), Rachida Dati (LR) et Ian Brossat (PCF) n'ont pas souhaité répondre à nos questions.