Menu
Libération
Insoumis

«Qu’est-ce que vous faites ici les amis, l’âge pivot a été retiré, vous n’êtes pas rassurés ?»

Jean-Luc Mélenchon et Adrien Quatennens étaient jeudi soir en meeting à Lille, pour canarder la réforme des retraites portée par le gouvernement en s'inscrivant dans la défense des grandes avancées sociales.
Meeting de Jean-Luc Mélenchon et Adrien Quatennens à Lille jeudi. (Aimee THIRION/Photo Aimée Thirion pour Libération)
par Stéphanie Maurice, correspondante à Lille
publié le 31 janvier 2020 à 6h10

«Vas-y, explique-moi ce qu'est une carrière complète dans la retraite à points» : Jean-Luc Mélenchon se tourne vers le public et prend un air un peu désemparé. Rires. La salle Courmont est blindée. Environ 400 personnes présentes à Lille, pour le meeting du leader de La France insoumise, mené conjointement avec le député du cru, Adrien Quatennens. Mehdi, 32 ans, responsable associatif, est venu de Denain, une heure de route, pour les retraites. Juste avant le début, il glisse : «Mélenchon, c'est un excellent pédagogue, il va bien nous expliquer les choses.» Quatennens chauffe la salle : «Qu'est-ce que vous faites ici, les amis, l'âge pivot a été retiré, vous n'êtes pas rassurés ?» Jean-Luc Mélenchon, assis sur un tabouret, sur une plateforme au centre de la salle, comme un ring, apprécie le monde rassemblé et part sur sa traditionnelle attaque en piqué sur la justice. Pas pour sa personne, mais pour les «3 000 personnes [qui] ont été jugées tout ça parce que Mme Belloubet a demandé une extrême fermeté contre les gilets jaunes». Ce n'était qu'un amuse-gueule, avant le criblage en règle de la réforme des retraites.

Jean-Luc Mélenchon estime à 312 milliards d'euros le pactole des retraites en France : «Ça les fait rêver depuis toujours, il faut faire passer ces 312 milliards du système à répartition au système par capitalisation, et il faut passer par une étape, la retraite à points.» Sur la pénibilité, il sort le bazooka. «A la conférence de financement, il ne sortira rien du tout de cette question. La reconnaissance de la pénibilité, c'est la première chose qu'a annulée Macron pendant l'été 2017.» Il épingle le déficit estimé par le Conseil d'orientation des retraites (COR), entre «8 et 17 milliards en 2025. Je vous rassure, ça ne représente que 0,3 ou 0,7% de la richesse produite dans le pays, c'est rien, ce n'est pas la peine de vous réveiller avec un cauchemar.» Et il rappelle que dans le projet du gouvernement, les salaires les plus élevés ne cotiseront plus au-delà de 10 000 euros : «Les grosses payes, ce sont les grosses cotisations, il ne faut pas les laisser filer vers les fonds de pension.» La salle est attentive, concentrée.

«Nous allons faire du zèle, c’est notre forme de grève»

Le voilà qui rappelle les grandes conquêtes sociales, et sur cette terre de gauche, ça parle : «La cinquième semaine de congés payés, Pierre Mauroy. Les 35 heures, le gouvernement de Lionel Jospin. Ça vient toujours de nous, de nos victoires électorales». Martine Aubry appréciera d'être ainsi oubliée dans sa propre ville sur sa réforme phare. Jean-Luc Mélenchon allume les patrons, les actionnaires. «Les plus jeunes, écoutez bien. Ne comptez jamais sur leur générosité.» «Ah non», dit une dame à mi-voix. Sophie, 37 ans, agent public, a apprécié le moment : «C'était bien, l'histoire des acquis sociaux, pour ma génération. On les perd et on ne s'est jamais battu pour les avoir.»

Corinne est travailleuse sociale, et elle est heureuse d'avoir pu préciser sa pensée, d'avoir les bons mots. «J'avais bien compris qu'on allait devoir travailler plus longtemps que l'âge pivot annoncé, mais là, c'est plus clair.» Car la notion d'âge d'équilibre à long terme est restée dans le texte, même si l'âge pivot à 64 ans à l'horizon 2025 a été pour l'instant retiré. Mélenchon tonne : «lls nous disent la retraite à 67 ans ? A 70 ans ? Jamais. On perdrait une bataille qu'on mène depuis un siècle.» Ovations, applaudissements. Adrien Quatennens l'affirme, «personne ne devrait avoir une retraite en dessous du smic». Retour de Mélenchon, pour le final. Il s'énerve sur le projet de loi présenté au Parlement : «Un texte avec 29 ordonnances, cela veut dire avec 29 trous ! On ne sait pas ce qu'ils vont mettre dedans, mais si, on le sait trop bien. Alors, nous allons faire du zèle, c'est notre forme de grève. Et qu'on nous dise pas que c'est de l'obstruction.»