Le 22 mars, s'il est élu, David Belliard sera torse nu. Il n'enlèvera pas seulement sa veste, comme lors de son meeting mercredi soir, mais aussi sa chemise. Le candidat à la mairie de Paris l'a promis sur la scène du Trabendo, dans le XIXe arrondissement, devant des militants chauffés par un Yannick Jadot exalté.
L'eurodéputé et toute la troupe d'écolos venus soutenir leur chef de file à Paris se sont donné du courage. «David» sera le prochain maire de la capitale, ont-ils répété. «Il faut viser la première place», a averti Noël Mamère, qui jouait l'animateur de soirée. Pas l'adjoint, ni le premier adjoint. Finie, l'époque où ils étaient des supplétifs. Les Verts veulent croire que c'est leur moment et que ça vaut aussi pour Paris. «Le vote utile c'est nous, c'est l'écologie pour Paris», s'est écrié David Belliard. La recomposition politique jouerait en leur faveur. En 2017, il y a eu Macron, maintenant, c'est eux. Ils citent à tout-va la «génération climat», comme une preuve de la «bataille culturelle» qu'ils ont gagnée. Les écolos rappellent le temps où ils prêchaient dans le désert comme pour montrer qu'il est derrière eux. «Nous ne sommes plus là pour écologiser les partis politiques, nous sommes là pour écologiser la société, a lancé Yannick Jadot. Ayons confiance dans ce moment politique particulier. Il y a souvent des maires historiques dans les grandes villes, adaptés à l'attente des habitants à un moment. Aujourd'hui, il faut des maires écolos. Delanoë disait qu'avec les écolos c'était facile, on leur file quelques postes et tout va bien. Mais on n'est plus des supplétifs.»
Yannick Jadot pendant le meeting au Trabendo, mercredi.
Photo Albert Facelly pour
Libération
«Nous n’avons pas vocation à faire tapisserie»
Du coup, les écolos cognent sur les alliés de toujours, comme on s'émancipe des parents. «Nous ne sommes plus les alibis de la social-démocratie. Nous n'avons pas vocation à faire tapisserie», a assuré Noël Mamère. C'est aussi une histoire d'affect. Les Verts parisiens s'agacent du «mépris», de «l'arrogance» des socialistes, qui partent du principe qu'ils finiront par les soutenir. Et qui ont en plus de ça l'audace de leur piquer leurs couleurs. «Ça me fait rire de voir les tracts en vert, il n'y a plus de rose, plus le logo socialiste. Elle est socialiste, Anne Hidalgo», a rappelé Jadot.
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Le camp Belliard s'est donc fait un plaisir d'insister sur le ralliement mis en scène lors de la soirée : Dominique Bertinotti, une socialiste venue vers eux. Une preuve que la tendance s'inverse. «Je peux vous dire pour venir d'un parti où on a pratiqué souvent ce ripolinage que ce n'est pas une réponse structurelle à l'urgence climatique, a déclaré l'ancienne ministre, maire du IVe de 2004 à 2012. C'est normal que la coalition se fasse autour de vous, écologistes. Vous avez su avant bien d'autres poser les enjeux de l'urgence climatique. Vous avez raison de dire que vous n'avez pas vocation à être des supplétifs. Vous serez le pivot de la coalition pour le climat.» Ou comment enchanter les Verts. Depuis le début de sa campagne, Belliard veut prendre la place qu'Anne Hidalgo entend occuper au centre de gravité. Pour diluer le poids des socialistes, en décembre, l'écolo a donc proposé une grande coalition englobant Danielle Simonnet, Anne Hidalgo et Cédric Villani. L'insoumise a dit non merci, la socialiste pourquoi pas, à condition d'en prendre la tête, et le candidat dissident de la majorité a saisi la perche.
«Compliqué à comprendre»
Depuis, on se demande si Belliard y croit sincèrement, ou s'il le répète pour s'imposer. Interrogé sur le sujet en marge du meeting, il s'est agacé : «J'ai l'impression de répéter tout le temps la même chose. Je crois qu'on sera en tête au premier tour et à partir de là, on construira une coalition. Je sais que c'est compliqué à comprendre car c'est innovant.»
Le problème, c'est que dans son propre camp, ce n'est pas clair. Si tout le monde est d'accord pour arriver en tête du premier tour, certains ne sont pas enchantés à l'évocation du nom du mathématicien, élu député avec l'étiquette LREM en 2017. Comme le lui demandait Belliard, il a fini par «acter ses divergences» avec le parti. Mais l'écolo en veut plus : pour lui, le mathématicien doit encore clarifier ses positions par rapport à celle du gouvernement. Le dissident, en meeting au Trianon en même temps que le Vert, a commencé à s'agacer. «Il faut dire ça, il faut dire ci, Belliard est très gentil mais ce n'est pas comme ça qu'on fonctionne. Il est moins libre car contraint par son parti», critiquait il y a quelques jours auprès de Libé la députée Anne-Christine Lang, qui soutient Villani.
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Yannick Jadot, lui, est à fond pour l'alliance. Villani ? «C'est notre médaille Fields, c'est un personnage incroyable.» «Ça a fait des remous, c'est normal, mais il ne sera pas le maire des écolos mais des Parisiens, il faut savoir bousculer son camp», a déclaré l'eurodéputé qui y occupe une ligne plutôt centriste. Début janvier, il s'est d'ailleurs chamaillé à ce sujet avec Julien Bayou, le secrétaire national du parti, par médias interposés. «Villani se dit écolo, la coalition c'est aussi une façon de pointer son incohérence», assure encore aujourd'hui ce dernier. Eric Piolle, le maire EE-LV de Grenoble souvent cité en exemple, est aussi sceptique. L'écolo, qui s'est affiché au côté d'Anne Hidalgo, plaide pour une alliance avec les socialistes au second tour. La semaine dernière, il a appelé David Belliard pour qu'il le rassure. Si l'on en croit les applaudissements dans la salle du Trabendo, les militants écolos sont eux aussi plutôt partisans d'une écologie ancrée à gauche que déportée au centre. «Je dis à David : vise l'arrivée en tête au premier tour car c'est comme ça que se fera la recomposition de la gauche», a ainsi déclaré un Noël Mamère déclenchant une levée de drapeaux verts.
Photo Albert Facelly pour Libération