La nouvelle est arrivée le 20 décembre. Après des années d'incertitudes, Agnès Buzyn, qui était alors ministre de la Santé, confirmait aux habitants du sud de l'Aveyron la construction d'ici 2025 d'un nouvel hôpital à mi-chemin entre Millau et Saint-Affrique. Objectif : endiguer les déficits des deux hôpitaux existants dans les deux petites villes et attirer de nouveaux médecins sur un bassin de 75 000 habitants. L'enjeu, en réalité, est encore plus global : il en va de l'attractivité d'un territoire rural déjà fragilisé. La facture est estimée à 40 millions d'euros, auxquels s'ajouteront 15 millions pour «l'aménagement de deux maisons hospitalières» en lieu et place des deux structures actuelles. A Saint-Affrique, le projet fait peu de vagues. Le maire sortant PS, Alain Fauconnier, considère que ce «débat est derrière [lui]» et que la période électorale est «peu propice à la discussion sereine». D'ailleurs, les deux autres candidats dans la commune de 8 000 habitants sont comme lui favorables au projet.
La situation est beaucoup plus explosive entre les cinq listes candidates à Millau, à une trentaine de kilomètres de Saint-Affrique et quasiment trois fois plus grosse. L'annonce de la construction de cet hôpital médian a réjoui Jérôme Rouve, candidat aux municipales soutenu par LREM et premier à avoir évoqué le sujet publiquement dès l'automne. Selon lui, ce projet a toujours été «la seule solution pour que le sud-Aveyron ait une offre de soins durable». Cela pourrait même être l'occasion de rassembler les deux villes : «On est liés, obligés de s'entendre.»
Pétition et référendum
Dans le camp des partisans également, le maire sortant LR, Christophe Saint-Pierre. Membre du groupe de pilotage de la future structure, il veut rassurer en expliquant que les deux hôpitaux actuels resteraient des «structures d'appui». Mais, ajoute l'édile, «c'est aux personnels médicaux et paramédicaux de construire le projet». «Et les habitants ?» s'insurge Philippe Ramondenc. Ce centriste tête de liste sans étiquette ne cache pas sa colère : «Sous couvert de mutualiser, on flingue les deux hôpitaux.» Et de dénoncer «incohérences» et «mensonges» des élus actuels qui avaient, selon lui, noué un «pacte» pour ne pas évoquer le sujet avant les élections.
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C'est que le flou n'engage pas à la confiance, les rapports et détails précis sur le futur projet ne devant être connus qu'après le scrutin de mars. A gauche, l'élue régionale Emmanuelle Gazel, candidate PS à Millau, soutenue par EE-LV et le PCF «refuse de prendre une position sur un sujet très affectif en l'absence de ces éléments». Pour la socialiste, «on doit pouvoir mettre en place un débat public pour que le projet ait l'adhésion de la population». De là à organiser un référendum local sur le sujet ? L'idée est défendue par l'autre liste de gauche, baptisée «Alternative écologique et anticapitaliste», qui a lancé une pétition contre l'hôpital médian. «Il n'y a pas de projet réel ; avec 40 millions d'euros, on a un terrain et du béton. Et tant qu'il n'est pas construit, on fait quoi des hôpitaux actuels ?» s'interroge Pierre-Jean Girard, infirmier, syndicaliste et colistier. «Tous les hôpitaux médians en zone rurale comme nous sont déficitaires, renchérit Henri Célié, de l'association d'usagers Le Manifeste. On est déjà à la limite en matière de moyens et de distance des soins aujourd'hui, il ne faudrait pas qu'une épidémie majeure se déclare.» Comme le coronavirus ? Pour l'instant, tous les tests menés dans le département se sont avérés négatifs.