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Analyse

Municipales : à Paris, des négociations sur fond d'incertitudes

L'équipe d'Anne Hidalgo, largement en tête du premier tour, a entamé des discussions avec les écolos. Cédric Villani, de son côté, a suspendu toute discussion en attendant la prise de parole d'Emmanuel Macron ce lundi soir.
Affiches de Cédric Villani et Anne Lebreton, vendredi à Paris. (Photo Mathieu Menard. Hans Lucas)
publié le 16 mars 2020 à 17h43

La campagne s'arrête, pas les discussions. Alors que tous les candidats étaient suspendus à la décision de reporter, ou pas, le second tour du scrutin, les discussions entre certains camps en commencé ce lundi. «Les verts nous ont dit qu'ils ne voulaient pas nous voir hier soir mais ce matin, on a entamé les discussions selon la configuration traditionnelle», explique Jean-Louis Missika, adjoint et codirecteur de campagne d'Anne Hidalgo. Dimanche soir, après l'annonce du gros score de la maire sortante, en tête avec 30,2% des voix, David Belliard a simplement salué le résultat de son camp – 11,6% – et appelé à repousser le second tour pour cause de crise sanitaire.

Cédric Villani, quant à lui, a mis toute décision politique en suspens en attendant la décision d'Emmanuel Macron. Arrivé sous le seuil des 10% de voix, le dissident LREM ne peut se maintenir au second tour. «On a eu Agnès Buzyn, on a eu les socialistes, mais les discussions ont été suspendues, racontait ce matin le directeur de campagne du mathématicien. L'urgence est ailleurs.»

«Nous ne sommes pas si éloignés»

«Tout le monde attend la décision de l'exécutif mais il faut anticiper», expliquait de son côté Jérôme Gleizes, candidat EE-LV dans le XXe et proche de David Belliard ce matin. Les équipes des écolos et de la maire sortante se sont donc retrouvées pour discuter composition des listes et projet. L'hôtel où ils devaient se réunir les ayant mis dehors, les tractations ont lieu dans le local de campagne de Paris en commun. «On essaie d'élaborer un texte qui tienne compte de la situation, raconte Missika. Le coronavirus va impacter le début de la future mandature. Il va falloir traiter l'urgence sanitaire et économique mais aussi tirer des conséquences sur le modèle que nous voulons pour Paris.»

Alors que la pandémie montre, pour ceux qui en doutaient, les limites du système actuel, il s'agit par exemple de réfléchir à la façon de développer un système alimentaire de proximité. Sur ce genre de sujets, socialistes et écolos devraient réussir à s'accorder. En revanche, l'urbanisme reste un point de friction : le camp Hidalgo veut continuer à construire sur des parcelles où c'est encore possible, celui de Belliard s'oppose à la densification de la ville. «C'est normal qu'ils aient caricaturé les divergences pendant la campagne mais nous ne sommes pas si éloignés», assure Jean-Louis Missika. Sur le cas de la friche de Bercy-Charenton par exemple, ils pourraient se mettre d'accord sur des pourcentages de construction et de pleine terre. Des propositions issues du programme des Verts, comme le projet de faire ressurgir la Bièvre, une rivière enterrée depuis le début du XXe, pourraient par ailleurs être intégrées dans l'accord commun.

«On a assommé nos deux adversaires principales»

Concernant la fusion des listes, c'est la méthode traditionnelle qui s'appliquerait : arrondissement par arrondissement, les camps se répartissent les places éligibles selon leur résultat au premier tour. Reste à se mettre d'accord sur la mairie d'arrondissement qui reviendrait aux verts, qui ne sont arrivés en tête nulle part. Depuis le début de la campagne, ils louchent sur le XXe mais «c'est compliqué de dire aux habitants que les écolos prennent la tête de liste alors que le candidat de Paris en commun a fait près de 40%», explique-t-on dans le camp Hidalgo : «Il faut tenir compte des rapports de force.» Si le différentiel entre les socialistes et les écolos est moins important qu'en 2014 – ils cumulent trois fois plus de voix contre quatre fois plus –, les premiers ont clairement la main. «On a assommé nos deux adversaires principales», se félicite Jean-Louis Missika. Les candidats Paris en commun sont en effet arrivés en tête dans neuf arrondissements, tous ceux qu'ils dirigent déjà.

Le parti Les Républicains, de son côté, est en première position dans six secteurs. Côté LREM enfin, seules les maires sortantes issues de la droite qui se relançaient avec l'étiquette présidentielle dans le Ve et le IVe, devancent les autres candidats. Entre LR et LREM, une alliance au sommet a été exclue. Trop à perdre pour gagner. Mais dimanche soir, les cheffes de file des deux partis ont ouvert leur porte à ceux qui, issus d'autres camps, voudraient les rejoindre pour tenter de battre Anne Hidalgo. Dati fait valoir sa place de deuxième, Buzyn son positionnement plus central. Dans un message adressé aux candidats, Stanislas Guerini, le patron de LREM, a demandé la suspension de la campagne sur le terrain, sans «remettre en cause les réflexions, les discussions que vous menez pour élaborer des scénarios de second tour». Dans la journée, devaient donc se poursuivre les «échanges» entre candidats et «les conseillers politiques et les coordinateurs territoriaux». Seuls quelques accords isolés, à l'échelle des arrondissements, pourraient donc être scellés… enfin, si le second tour est maintenu.