Au boulot ! Au lendemain de la présentation par Edouard Philippe des grandes lignes du plan de déconfinement à l'Assemblée nationale, les ministres chargés de l'activité économique (ceux de l'Economie et du Travail) se sont employés mercredi matin à répéter le même message : le 11 mai, chacun doit retourner à son poste… s'il le peut et si les conditions sanitaires sont respectées. «Il faut reprendre le travail», a martelé par exemple Bruno Le Maire sur LCI, avant de justifier cet «appel» quelques heures plus tard devant les députés de la commission des affaires économiques réunis en visioconférence : «Nous risquons également de perdre des parts de marché à l'exportation si nous laissons nos compétiteurs prendre des parts de marché à notre place.» L'appel de la concurrence et le risque de crise sociale, désormais plus forts que le danger de propagation du Covid-19 ? «Nous reprendrons le travail dans des conditions sanitaires irréprochables», a promis la secrétaire d'Etat à l'Economie, Agnès Pannier-Runacher, ce mercredi matin sur BFM Business. «La meilleure protection, maintenant, contre le chômage de masse, c'est de reprendre l'activité en protégeant les salariés», a insisté sa collègue au Travail, Muriel Pénicaud, au même moment sur France Inter.
Ce tir groupé vient ainsi confirmer la position de l'exécutif formulée mardi devant les députés par le Premier ministre : si l'épidémie de Covid-19 n'est pas terminée, «le déconfinement doit aussi permettre la reprise de la vie économique», même réduite, car «l'arrêt prolongé de la production de pans entiers de notre économie» est un facteur d'«écroulement» du pays, a insisté Edouard Philippe. Si le gouvernement a mis des moyens exceptionnels pour limiter les faillites d'entreprises et maintenir en emploi les salariés en prenant en charge la quasi-totalité des salaires de ceux ne pouvant plus travailler, cela coûte en effet très cher aux finances de l'Etat et de la Sécurité sociale. Prévus au départ pour deux semaines, les crédits accordés pour financer le chômage partiel ont été rehaussés depuis deux semaines à hauteur de 24 milliards d'euros. Mais avec 11,3 millions de Français qui en bénéficient actuellement, selon le chiffre donné ce mercredi par Muriel Pénicaud (soit plus d'un salarié sur deux), cela pourrait coûter encore plus cher si les entreprises ne remettent pas vite leurs salariés au turbin.
«On fera le chômage partiel le temps qu’il faut»
«On a mis à l'abri les Français quand le vent souffle fort […] pour éviter des vagues de licenciements», a souligné la ministre du Travail. Mais ce parapluie doit «progressivement», insiste-t-on au sein du gouvernement, se rétrécir à mesure que l'orage s'éloignera. Ainsi, le dispositif actuel (l'Etat et l'Unedic prennent en charge 100% du coût du chômage partiel pour les employeurs, les salariés touchent 84% de leur net) ne doit pas bouger d'ici le 1er juin. Après cette date, Pénicaud a souhaité ce mercredi matin «un taux de prise en charge de l'Etat un peu moins important», c'est-à-dire «un petit reste à charge pour l'entreprise».
«On va en discuter avec les partenaires sociaux, souligne-t-on Rue du Grenelle. Mais à partir du moment où les conditions d'activité changent, les conditions de protection des entreprises vont continuer de changer.» «Le chômage partiel, quand on peut retravailler, c'est une fausse bonne idée», a prévenu de son côté Pannier-Runacher. Mais Pénicaud a promis qu'il n'y aurait «pas de couperet» au 1er juin : «On fera ça le temps qu'il faut» pour que les employeurs ne soient pas «obligés dans cette phase de relance, de licencier [leurs] salariés».
En revanche, pour ceux priés par leur patron de retourner au boulot, il s'agit, a prévenu le Premier ministre mardi, de «réorganiser la vie au travail». Ainsi, a assuré Philippe, «le télétravail doit être maintenu partout où c'est possible, au moins dans les trois prochaines semaines». Et pour ceux qui n'auront pas d'autre choix que de revenir sur leur lieu de travail, le gouvernement souhaite «encourager la pratique des horaires décalés» pour «diminuer la présence simultanée des salariés dans un même espace de travail» et prévient que les employeurs devront mettre les moyens sanitaires nécessaires en place (masques, gels hydroalcooliques…) «Le port du masque devra être mis en œuvre dès lors que les règles de distanciation physiques ne peuvent être garanties dans l'organisation du travail», a insisté Philippe. Matignon et Bercy promettent qu'il y en aura pour tout le monde. Notamment, dès le 4 mai dans les grandes surfaces. Sans encadrement des prix, contrairement aux gels hydroalcooliques, mais avec une «vigilance» sur les prix pratiqués.