Menu
Libération
Pression

Travailler plus ? Le gouvernement dit non pour l'instant

Déconfinementdossier
L'offensive néolibérale pour augmenter le temps de travail passe mal au sein de l'exécutif, même si certains commencent à avancer l'idée.
Muriel Penicaud, à Montevrain, près de Paris, mardi, lors d'un déplacement sur un site de construction. (Photo Christophe Petit Tesson. AFP)
publié le 13 mai 2020 à 16h13

Fermez le ban, pour l'instant. Prié par la droite, le patronat et les milieux libéraux d'envisager une hausse du temps de travail, l'exécutif a jugé la question déplacée… jusqu'à nouvel ordre. La ministre du Travail, Muriel Pénicaud, l'a dit la semaine passée au magazine Entreprises et Carrières : «Ma préoccupation est de savoir comment 12 millions de Français actuellement au chômage partiel vont pouvoir retourner travailler en toute sécurité. Pour l'instant, la crainte porte plutôt sur des marchés atones et une activité insuffisante. Le droit du travail comprend déjà suffisamment de dispositions comme l'annualisation du temps de travail ou le recours aux heures supplémentaires. Je serai contente le jour où la question de la durée du travail se posera vraiment.» Dans une autre déclaration, cette ancienne DRH devenue ministre avait envisagé la possibilité de «travailler plus, évidemment en rémunérant plus», mais en limitant cette hypothèse aux «entreprises critiques», par exemple les fabricants de masques.

Avant elle, le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, s'était, lui aussi, démarqué d'une «drôle d'idée», invitant ses auteurs à «garder [leur] sang-froid» : «Ce n'est pas le problème qui va se poser, il faut être lucide, expliquait-il fin avril sur France Info. Le problème qui va se poser, c'est de voir demain des commerces qui tournent à moitié, […] des industries qui vont tourner à 60 % ou 70 % de leur régime et qui vont dire : qu'est-ce que je fais de mes ouvriers, […] de mes ingénieurs ? […] La bonne question, c'est comment on maintient l'emploi, pas comment on fait travailler plus les Français.» Et si la secrétaire d'Etat Agnès Pannier-Runacher avait d'abord jugé qu'il faudrait «probablement plus travailler que nous ne l'avons fait avant», elle était ensuite revenue sur ces propos, assurant n'avoir évoqué que la situation «des indépendants et des petites entreprises».

«Bonne question»

Ces déclarations laissent penser que, pour l’exécutif, la consommation resterait longtemps insuffisante pour justifier une augmentation de la quantité d’heures travaillées. Et qu’une telle mesure aurait pour effet de décourager l’embauche de nouveaux salariés. Elle serait en outre délicate à défendre et susceptible de déclencher un mouvement social de grande ampleur, à l’image du récent chantier des retraites.

Mais le dossier est-il tout à fait vide ? Interrogé le 7 mai sur l'hypothèse d'un report ou de la suppression d'une partie des vacances ou des jours chômés à venir, le Premier ministre, sans répondre, y avait vu une «bonne question» et la matière d'un futur «débat». «Si nous voulons retrouver notre prospérité […] il faudra que collectivement nous nous en donnions les moyens par le travail, la solidarité, l'inventivité», avait expliqué Edouard Philippe en présentant la stratégie gouvernementale de déconfinement. Et même sans réforme du temps de travail, un conseiller ministériel anticipe que de nombreuses entreprises utiliseront les marges de manœuvre que leur offre déjà le droit : «Quand la droite verra le nombre de licenciements, de jours de congé reportés et l'augmentation des heures travaillées, elle comprendra que ses idées ne passent pas le mur du son.»

Réforme des retraites

La réforme des 35 heures ne figurait pas au programme d'Emmanuel Macron. Le chef de l'Etat avait cependant évoqué en avril 2019, parmi les conclusions du «grand débat national», la nécessité de «travailler plus» pour financer de futures baisses d'impôts. La possible suppression d'un jour férié avait été envisagée dans la majorité, mais Emmanuel Macron avait finalement écarté cette piste, tout comme une augmentation de la durée légale du travail, privilégiant une hausse du nombre d'heures travaillées «tout au long de la vie» via la réforme des retraites – un projet remisé pour une durée indéterminée en raison de la crise sanitaire.