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Libération
Analyse

Gérald Darmanin veut la jouer tout terrain

Le ministre du Budget veut «peser» davantage dans le dispositif macroniste et remet au goût du jour la participation des salariés dans leurs entreprises comme l'une des solutions à la crise économique liée au coronavirus.
Gérald Darmanin, en campagne pour les municipales, le 13 février. (Photo François Lo Presti. AFP)
publié le 24 mai 2020 à 17h04

Beaucoup de social, un tout petit soupçon d'écologie, une grosse pincée de bataille idéologique contre les extrêmes, de la relance économique (qui ne relève pas de son domaine ministériel) et quelques bons points politiques distribués au passage. Ministre de l'Action et des Comptes publics rêvant d'un ailleurs gouvernemental plus prestigieux, Gérald Darmanin n'avance plus vraiment masqué. Après avoir repris samedi son fauteuil de maire de Tourcoing, exceptionnellement autorisé à cumuler portefeuille ministériel et municipal, le trentenaire s'offre une longue interview dans les colonnes du Journal du dimanche, fort avantageusement titrée «L'offensive Darmanin».

«Troisième voie»

Celui qui ne cachait pas son appétence pour les sujets régaliens et qui avait les yeux braqués sur la place Beauvau en cas de remaniement semble changer de cap, étoffant sa stature au cas où. La crise du coronavirus va bien finir un jour, le macronisme d'après aura besoin d'idées et de gens pour les appliquer, et pas qu'à Bercy. L'acte II du quinquennat étant mort-né après la crise des gilets jaunes, il est donc désormais beaucoup question de «peuple», de gaullisme social et de «troisième voie», entre le «capitalisme débridé et l'économie administrée» dans les propos de Gérald Darmanin, qui a quitté LR pour adhérer à LREM en 2017 après avoir été proche de Nicolas Sarkozy et de Xavier Bertrand.

«Il faut mener une politique pour le peuple, réparer les inégalités sociales», prône le ministre, qui écarte formellement les hausses d'impôt et les baisses de dépenses publiques dans les mois à venir tout en insistant sur le remboursement des dettes, devenues abyssales avec l'épidémie de Covid-19. Pour lui, la relance doit passer par le pouvoir d'achat et donc reprendre «cette grande idée gaulliste» de la participation des salariés aux résultats de leurs entreprises. On est loin de l'idée neuve, la participation a déjà été bien remise au goût du jour par Nicolas Sarkozy quand il était à l'Elysée avant d'être retouchée par Emmanuel Macron quand il était ministre de l'Economie de François Hollande et encore amplifiée dans la loi Pacte, portée par son collègue Bruno Le Maire en 2018-2019. Mais pour Gérald Darmanin, il faut maintenant «généraliser, simplifier et étendre» cet actionnariat salarié : «en versant aux salariés des montants importants et non plus symboliques» ou «en raccourcissant le délai pour en bénéficier et en simplifiant encore le régime fiscal». A ses yeux, cela permettrait «de réconcilier les Français avec l'entreprise».

Ouvrir une perspective sur Matignon

S'il ne dit rien de précis sur ses ambitions dans la période qui s'ouvre, le ministre chargé du budget semble quand même ouvrir une perspective sur Matignon, tressant des couronnes de lauriers à Emmanuel Macron d'un côté, bricolant un hommage un peu sec au Premier ministre : «C'est une chance de travailler en confiance avec Edouard Philippe, qui est un grand Premier ministre.» Darmanin «veut peser davantage sur (les) choix, défendre (ses) convictions». «Le petit-fils d'immigré, le fils de femme de ménage que je suis serais indigne de ses responsabilités si […] il oubliait la chance qu'il a de servir son pays», dit-il. Cela a le mérite d'être clair.