Elle y va. Après des semaines d’hésitation, Agnès Buzyn a mis fin au suspense : elle mènera finalement la campagne du second tour sous les couleurs de LREM à Paris. L’ancienne ministre de la Santé l’a annoncé à ses colistiers lors d’une visioconférence ce mardi mais jusqu’au bout, le doute a persisté, y compris pour son équipe et les responsables du parti présidentiel.
Arrivée en troisième position avec 17% des voix, la candidate se serait «effondrée» au soir du premier tour, chamboulée par la violence de la campagne et les regrets d'avoir quitté son ministère mi-février alors qu'elle entendait la crise sanitaire gronder. Elle a d'ailleurs avoué être partie «en sachant que les élections n'auraient pas lieu» en raison de l'épidémie de coronavirus, avant de disparaître des radars pendant deux mois. Pour faire oublier son absence pendant que la maire sortante Anne Hidalgo et sa principale adversaire Rachida Dati s'opposaient sur la crise sanitaire, son équipe a dû rédiger quelques communiqués envoyés aux militants, signés de son nom.
Poids de la défaite parisienne
La candidate, médecin de formation qui a brièvement repris du service dans une unité Covid de l'hôpital de Clamart après le premier tour, et les marcheurs savaient que le retour sur le ring serait délicat après ses propos sur le premier tour, mais quelle alternative ? «Personne n'ignore les difficultés et les attaques dont elle fera l'objet mais il n'y a pas de bonne solution», admettait une tête de liste LREM lundi. Compliqué, à un mois de l'élection, de trouver un troisième candidat après le forfait de Benjamin Griveaux. Le nom de Stanislas Guerini, le patron de LREM, candidat sur la liste du XVIIe, a circulé mais ce dernier ne voulait pas en entendre parler, préférant, comme de nombreux dirigeants macronistes, se laisser une chance d'entrer au gouvernement en cas de remaniement après les municipales. Porter le poids de la défaite parisienne n'arrange les affaires de personne. Compliqué aussi de flanquer une étiquette LREM à Cédric Villani alors que le député s'éloigne de plus en plus de la majorité. «On se paierait une crise interne et on se prendrait la tôle électorale du siècle», expliquait un cadre du parti présidentiel.
Stanislas Guerini mais aussi Paul Midy, le directeur de campagne de la campagne Buzyn, et Philippe Grangeon, conseiller du président, sont donc restés «en lien constant avec elle depuis le début pour qu'elle tienne et qu'elle revienne», raconte un membre de l'exécutif. Dimanche, Agnès Buzyn leur fait finalement savoir qu'elle n'y retournerait pas avant de se laisser convaincre pour encore changer d'avis lundi soir. «C'est les montagnes russes, ce truc. Elle ne tient qu'à un fil et c'est flippant. Il se passe quoi si elle accepte de revenir, qu'on dépose les listes et qu'elle se barre en pleine campagne ?» s'inquiétait le même cadre juste avant l'annonce de sa candidature.
«Je ne vois pas comment elle va tenir»
Conscients des difficultés qui s'annoncent, certains colistiers ont décidé de faire le minimum syndical. «Je ne suis pas assez folle» pour reprendre la campagne vu l'ambiance et le yo-yo politico-émotionnel de la tête de liste, évacue une candidate LREM. Pierre Auriacombe, conseiller de Paris à l'origine en 2017 d'un groupe de «pro-Macron de droite» et candidat LREM dans le XVIe arrondissement a pris la même décision : «Repartir en campagne derrière Buzyn après ses déclarations catastrophiques ? Non. Je ne vois pas comment elle va tenir. Lors des débats, ça va être très compliqué.» La candidate redouterait d'ailleurs la tenue du débat télévisé de l'entre-deux-tours qui doit avoir lieu sur BFM TV.
Selon cet élu issu de la droite, au-delà de la polémique Buzyn, «LREM a montré ses limites dans cette élection : dire qu'on ne veut pas de professionnels de la politique, très bien, mais quand on voit l'amateurisme de ces gens-là… Ça va être le marasme pour la majorité à Paris.» Connaisseur de la carte électorale parisienne, il estime probable que les marcheurs ne remportent aucun arrondissement. Pas même les Ve et IXe, où les maires sortantes de droite se représentent avec l'étiquette présidentielle. «Avec les triangulaires, sans fusion ou accord de retrait avec LR, la gauche peut gagner», admet une tête de liste LREM. L'ex-ministre de la Santé va donc reprendre sa campagne à reculons et avec le calendrier parlementaire en tête : en juin, le Sénat inaugure sa commission d'enquête sur la crise sanitaire. L'audition d'Agnès Buzyn en sera l'une des pièces maîtresses.