Sans surprise, ils repartent ensemble. Les socialistes, menés par Anne Hidalgo (en tête du premier tour avec 29,33% des voix), et les écolos, représentés par David Belliard (10,79%, quatrième), ont scellé un accord pour le second tour des municipales à Paris. Après plusieurs jours de négociations, faciles selon l'entourage de la maire sortante, difficiles selon celui du candidat EE-LV, les deux camps ont trouvé un terrain d'entente. Comme tout au long de la campagne, les verts et les roses, qui siègent ensemble depuis 2001 au Conseil de Paris, ont eu du mal à s'entendre sur le sujet de l'urbanisme.
«Réoxygéner la ville»
Anne Hidalgo, qui a mené une campagne tout en vert, a toujours prôné la construction dans les quelques friches parisiennes où cela est encore possible, comme Bercy-Charenton, le TEP Ménilmontant ou encore la friche Ordener. Un choix social et écolo selon son camp, puisqu'il vise à développer l'offre de logement dans une ville où les loyers font fuir les classes moyennes et populaires mais aussi à lutter contre l'étalement urbain et l'artificialisation des terres, conséquences des migrations en périphérie de la capitale. Les écolos, de leur côté, plaidaient pour une meilleure exploitation du bâti existant et une transformation des terrains encore disponibles en espaces verts, jugeant la ville déjà trop dense. Pendant la campagne, pressés par le péril climatique et portés par leur score aux européennes, ils n'ont cessé de souligner cette divergence, accusant l'édile de «bétonniser Paris».
Mais pendant les trois mois de pause électorale imposés par le coronavirus, les positions ont bougé du côté socialiste. Jean-Louis Missika, puissant adjoint à l'urbanisme et bête noire des écolos, expliquait ainsi à l'issue de la crise : «Le confinement a montré qu'il faut revoir la question de la densité. Les Parisiens n'en peuvent plus. La lutte contre l'étalement urbain reste fondamentale mais il faut se demander comment on réoxygène la ville. Le sujet des friches comme Bercy-Charenton va donc se poser différemment.»
Les points de désaccords ont rejailli
Les négociations en vue d'une alliance s'annonçaient d'autant plus aisées que la gestion de la crise a rapproché les deux camps. Au lendemain des municipales et des affrontements de campagne, adjoints socialistes et écolos ont très vite recommencé à travailler ensemble, sans heurts. En trois mois, les discours ont changé : alors qu'ils insistaient sur le fait qu'une alliance au second tour n'était pas gagnée, soulignant leurs divergences, les écolos ont peu à peu commencé à parler de leur place au sein de la majorité comme d'une évidence. «Ce serait une faute politique de pas s'entendre avec les socialistes car c'est un moment historique… La crise a montré qu'on a besoin de transformations profondes et il faut une grande majorité pour pouvoir mettre en œuvre un projet de rupture», expliquait ainsi David Belliard avant l'accord.
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Mais au moment de rentrer dans le dur des négociations, les points de désaccords ont rejailli. Les socialistes ne voulant pas lâcher assez sur les friches au goût des écolos, qui plaident pour un projet plus radical après l'expérience de la crise sanitaire. «Sur la dédensification de Paris, les espaces verts, le tourisme de masse, il faut aller encore plus loin que ce qu'on disait», expliquait ainsi David Belliard.
Finalement, le projet Bercy Charenton va finalement être «remis à plat» et faire l'objet d'une consultation citoyenne, a annoncé le candidat EE-LV dans un entretien au Parisien. Pour le TEP Ménilmontant et la friche Orderner, les écolos ont «obtenu des garanties de refonte de ces projets avec pour objectif de préserver ou d'augmenter la part de parcs et de jardins». Des points de leur programme, comme la découverture de la Bièvre, rivière enfouie sous le sol de Paris, ont par ailleurs été intégrés au projet commun. La création d'un minimum social garanti pour les familles monoparentales et les jeunes sortis de l'Aide à l'Enfance, promise par Belliard au premier tour fera l'objet d'une expérimentation. Les socialistes ont en revanche bloqué sur le blocage des loyers défendu par les écolos, préférant s'en tenir à l'encadrement instauré en 2015 et rétabli depuis un an. «Ca valait le coup de se fatiguer, on a gagné beaucoup de combat. On passe sur une autre vision de la ville, axée sur la dédensification», se félicite un proche du candidat.
L'accord trouvé prévoit une vingtaine de places éligibles pour les écolos, contre 11 aujourd'hui, et un gros poste d'adjoint pour Belliard. Il figurera sur la liste du XIe, derrière François Vauglin, le maire sortant, et Anne Hidalgo. Les écolos devraient par ailleurs récupérer une mairie d'arrondissement, qui n'a pas encore été définie. Le choix n'est pas aisé, les socialistes étant arrivés largement devant les écolos dans tous les secteurs.
Un candidat écarté
Dès l'annonce de l'accord, des militants ont déploré l'éviction d'un candidat EE-LV des listes fusionnées : Thierry Schauffauser, candidat dans le XVIIIe et référent LGBT de la campagne de David Belliard. «Les socialistes ne veulent pas de certaines personnalités LGBT qui se sont montrées très critiques sur le projet de centre d'archives de Paris», expliquait un proche du candidat pendant les négociations. Evoqué depuis des années, il n'a toujours pas vu le jour, au grand regret des militants LGBT. «C'est un camouflet pour tous les combats minoritaires dont s'est occupé Thierry qui est un militant de longue date chez EELV», regrette un écolo auprès de Libé.
Cette alliance face à une droite morcelée semble sceller la victoire d'Anne Hidalgo le 28 juin. Le marcheur dissident Cédric Villani (7,88%), qui a hésité entre un soutien à la maire sortante ou à la candidate LREM, a finalement décidé de se lancer en solo dans le XIVe arrondissement, le seul où ses listes peuvent se maintenir. Agnès Buzyn (LREM, 17,3%) et Rachida Dati (LR, 22,72%), arrivée en deuxième position derrière Anne Hidalgo, ont de leur côté toujours écarté l'hypothèse d'un accord global qui brouillerait le message respectif de leur parti.
Dans le Ve arrondissement, leurs listes vont cependant fusionner. Une exception locale, assurent les deux camps, qui mettent en avant le risque de bascule à gauche en cas de triangulaire. En dehors de ce cas, chacun devrait continuer dans son couloir. Résultat : LREM étant en troisième position dans presque tous les arrondissements, la carte de Paris devrait, comme il y a six ans, se diviser entre la droite classique du camp Dati et la gauche très verte de la maire sortante. Laquelle est bien partie pour conserver son fauteuil.