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Récit

Macron à Londres pour célébrer De Gaulle et «l'esprit de la République»

Le chef de l'Etat sera à Londres jeudi pour commémorer le 18 juin 1940. Nouvelle étape d'une année de célébration d'un héritage que revendique aussi, désormais, Marine Le Pen.
Le discours du 18 juin 1940. (Keystone-France/Photo Gamma-Keystone. Getty Images)
publié le 17 juin 2020 à 11h46
(mis à jour le 18 juin 2020 à 10h12)

Dans le quinquennat de ses rêves, Emmanuel Macron voyait cette année 2020 comme l'occasion de se mettre en scène en digne héritier du fondateur de la VRépublique : ce devait être une retentissante «année De Gaulle». On célèbre ce 18 juin les 80 ans de son historique appel à la résistance, en attendant de commémorer, le 9 novembre, le 50e anniversaire de son décès. Avec ses violentes conséquences sanitaires, économiques et sociales, c'est peu dire que l'épidémie a fait passer ce grand rendez-vous mémoriel au second plan. Mais jeudi, le président français sera à Londres, en pèlerinage au numéro 4 de Carlton Gardens, résidence où fut installé, en juin 1940, le QG des Forces françaises libres. A deux pas de là, une statue du Général a été inaugurée en 1993 par la Reine Elizabeth, aux côtés de Jacques Chirac et de plusieurs gaullistes historiques. En 2010, Nicolas Sarkozy avait lui aussi fait le voyage à Londres pour le 70e anniversaire de l'appel du 18 juin. Reçu par le Prince Charles, il avait dévoilé une plaque commémorative au siège historique de la BBC.

«Le lien franco-britannique a aussi un avenir»

C'est également en présence du prince Charles, et du maire de Londres Sadiq Khan, qu'Emmanuel Macron remettra jeudi la Légion d'honneur à la capitale du Royaume-Uni. Il s'agit, explique, l'Elysée, d'honorer la ville qui a donné refuge à la République. Avant elle, deux autres cités étrangères, Brazzaville et Alger, ont aussi été distinguées pour avoir servi de capitale provisoire à la France libre. Dans un discours d'une dizaine de minutes, Macron saluera la mémoire du Premier ministre Winston Churchill et du roi Georges VI qui ont offert l'hospitalité et le micro de leur radio au général français qui se qualifiait lui-même de «naufragé de la désolation». Même si elle doit se conclure par un tête à tête avec le Premier ministre Boris Johnson, l'Elysée assure qu'il ne sera pas question du Brexit au cours de cette visite : «Le sujet est géré au niveau de la commission, il ne relève pas des relations bilatérales.» En revanche on ne devrait se priver de belles paroles impeccablement diplomatiques dont il devrait ressortir que «si le lien franco-britannique à une histoire, il a aussi un avenir», ajoute un proche du chef de l'Etat. Pour ce dernier comme d'ailleurs ses hôtes britanniques, ce sera le premier événement public international depuis le début de la crise sanitaire. La porte-parole de Clarence House, résidence du prince de Galles, a précisé que, en tant que «représentant d'un pays étranger venu pour affaires», le président serait exempté de la quarantaine de quatorze jours imposée aux visiteurs du Royaume-Uni.

Après avoir salué le 17 mai «l'esprit de résistance» à Montcornet (Aisne) où les chars du colonel de Gaulle ont brièvement tenu tête à la Wehrmacht en mai 1940, le chef de l'Etat a choisi, selon son entourage, de célébrer à Londres «l'esprit de la République». Plus que celui du 18 juin 1940, occupé à sauver «la France» et non pas son mode de gouvernement, l'esprit en question renvoie  au de Gaulle du 9 août 1944, signataire de l'ordonnance qui précise que «la France est et demeure la République». Et ajoute, c'est là l'essentiel, que celle-ci n'ayant «jamais cessé d'exister», tout ce qui relève de Vichy est nul et non avenu.

Parallèle tentant

Avant de se rendre à Londres, Macron aura été à la rencontre d'Hubert Germain, centenaire le 6 août, l'un des quatre derniers compagnons de la Libération encore en vie. Il présidera ensuite la traditionnelle cérémonie du Mont Valérien, survolée tour à tour les avions de la Patrouille de France et leurs équivalents anglais, les Red Arrows. Après Londres et Montcornet, Macron donne rendez-vous à Colombey le 9 novembre pour la dernière station de cette année De Gaulle, marquée par un colloque sur les «nouvelles souverainetés». Précisément le sujet que le chef de l'Etat s'efforce de mettre en avant dans ses résolutions pour le monde post-Covid. Même si ses proches assurent qu'il n'est pas question de risquer le moindre parallèle entre la guerre de De Gaulle et le combat contre l'épidémie, la tentation est évidente. D'autant que sa principale opposante, Marine Le Pen, s'est lancée dans une tentative de récupération de l'héritage gaulliste. Venant de l'héritière d'un parti et d'un père qui assument le double héritage des pétainistes et de ceux qui tentèrent d'assassiner le Général, l'entreprise est osée. Malgré les protestations des élus locaux et des associations gaullistes elle a prévu de se rendre jeudi sur l'île de Sein pour commémorer l'appel du 18 juin.

Dans un texte publié ce mois-ci chez l'Observatoire, Contre l'esprit de défaite, l'esprit de conquête, Sylvain Fort, ex-conseiller de Macron chargé des discours et de la mémoire, assume la comparaison entre la crise sanitaire à la défaite de 1940. Non pas pour en faire porter la responsabilité au Président, mais plutôt à une machine administrative aveugle qui croyait le pays préparé alors qu'il ne l'était pas. Sylvain Fort évoque le célèbre discours de Strasbourg du 7 avril 1947, où De Gaulle se désole de «l'impuissance et la désillusion» dans laquelle menaçait de s'embourber la République, deux ans après qu'il l'avait «fait sortir du tombeau où l'avait ensevelie le désespoir national». Le général en appelait alors à une «rénovation» fondée sur «l'efficience, la concorde et la liberté». «Nous en sommes là», ajoute l'ex-plume de l'actuel chef de l'Etat, lui aussi en quête de «concorde».