Une campagne à rebondissements jusqu'à la fin. Le débat qui devait opposer les candidates à la mairie de Paris sur BFM TV ce mercredi soir aura finalement lieu jeudi. Un peu plus tôt dans la journée, Anne Hidalgo avait annoncé qu'elle séchait le rendez-vous, entraînant son annulation à quelques heures de l'antenne. Après avoir rencontré l'intersyndicale de la chaîne, en grève pour protester contre un plan massif de suppression d'emplois, la maire socialiste avait demandé à la chaîne un report «afin de respecter le droit de grève de ses salariés, qu'ils puissent faire entendre leurs revendications, pour leur emploi et pour une information de qualité». Ces derniers ont suspendu leur grève pour reprendre les négociations jeudi matin.
Le 17 juin, NextRadioTV, la branche média du groupe Altice, lui-même détenu par SFR (et dont Libé fait partie pour quelque temps encore), a présenté un plan d'économie destiné, selon la direction, à surmonter la crise du Covid-19. Plan qui prévoit notamment la suppression de «330 à 380 CDI et jusqu'à 200 pigistes et intermittents», soit près d'un tiers des effectifs sur un total de 1 600 salariés. En réaction, une grève de 24 heures a été votée mardi. «Je ne peux pas fermer les yeux sur la situation de ces salariés, et […] parce que le débat démocratique doit se dérouler dans des conditions sereines, je ne participerai pas au débat du second tour des élections municipales qui était prévu ce soir sur BFM TV», s'est justifiée Anne Hidalgo dans un communiqué.
Mardi, en marge d'un déplacement consacré à la métropole, la candidate expliquait qu'elle ne voulait pas arriver dans les locaux de BFM TV sous escorte policière, pour passer le blocage des grévistes. Mercredi après-midi, elle a reçu l'intersyndicale, qui a utilisé le débat comme un levier dans le bras de fer avec sa direction. Pour l'occasion, la chaîne avait en effet mis le paquet, avec de la pub de tous les côtés. «Elle a décidé de renoncer pour ne pas être dans une situation délicate dans ce contexte social», explique un proche d'Anne Hidalgo. Quitte à ce que ses concurrentes, qu'elle n'a pas consultées, lui reprochent de se défiler ? «Très franchement, on s'en fout complètement, poursuit ce même cadre de la campagne. Les grévistes ont interpellé les candidats, elle ne va pas dire non. C'est la candidate de la gauche, une ancienne inspectrice du travail, qui ne veut pas briser le droit de grève dans le cadre d'un plan de licenciement massif : c'est cohérent.» L'inverse aurait été difficile à assumer. La gauche parisienne, des écolos aux communistes, a d'ailleurs salué son choix.
Juste après la socialiste, Rachida Dati (LR) s'est également entretenue avec les représentants de l'intersyndicale. «Je leur ai proposé de leur céder une partie de mon temps de parole et j'ai rappelé l'importance de ce débat démocratique, dans une campagne inédite. Ils ont compris et ne m'ont pas demandé l'annulation du débat», a-t-elle assuré. Selon l'AFP, la candidate était «partante pour faire le débat ce soir, même si Anne Hidalgo n'est pas là». «On ne voit pas pourquoi on devrait changer tout pour une seule personne», a expliqué sa directrice de campagne. Agnès Buzyn, en revanche, a préféré annuler. Une question de cohérence, puisque le casting n'était pas au complet, plus que de convictions. «Même si nous sommes très attachés au droit de grève et à la défense des salariés, nous n'avons pas vocation nous immiscer dans des débats internes d'entreprise», explique ainsi Gaspard Gantzer, le directeur de la communication de la candidate LREM, qui s'était préparée à être «offensive». Elle devrait donc pouvoir le montrer demain.