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Libération
Second tour

A Bordeaux, Poutou en arbitre jusqu'au bout

Au premier tour, 96 voix séparaient les deux candidats en tête à Bordeaux. En refusant de rallier la gauche, Philippe Poutou, grâce à son score de 11%, prolonge le suspense.
Philippe Poutou à Bordeaux, le 15 mars. (NICOLAS TUCAT/Photo Nicolas Tucat. AFP)
par Eva Fonteneau, correspondante à Bordeaux
publié le 25 juin 2020 à 19h56

Le risque de la division et de la défaite lui importe peu. Après avoir récolté 11,77% des suffrages le 15 mars à la surprise générale, Philippe Poutou a refusé toute alliance avec la gauche. Dimanche, l'ancien candidat NPA à la présidentielle, réputé pour son franc-parler et ses phrases chocs, arbitrera le duel entre Nicolas Florian (LR) et Pierre Hurmic (EE-LV, PS, PCF), que seulement 96 voix ont séparé au premier tour. Le meneur de la liste Bordeaux en luttes (NPA, LFI, gilets jaunes) explique «assumer totalement sa démarche» et se défend de «faire le jeu de la droite» ou de «diviser l'électorat de gauche».

«Bien sûr qu'on aimerait nous aussi faire tomber la lignée de juppéistes et de chabanistes à Bordeaux ! Mais si on veut une vraie rupture, il faut une réponse sociale forte. Avec Hurmic et le PS, c'est seulement l'illusion du changement», martèle le porte-parole de la lutte anticapitaliste. «Alors oui, on peut imaginer qu'avec Hurmic, on aura plus de pistes cyclables, moins de bétonisation, mais ce n'est pas ce qui va changer la ville en profondeur. Son programme ne prend pas à bras-le-corps les questions du chômage, de la précarité, des logements, des squats… De la souffrance sociale au quotidien en fin de compte. La crise brutale que nous avons vécue nous a pourtant montré qu'il fallait aller dans ce sens.»

L'ex-syndicaliste reproche notamment à Pierre Hurmic de ne pas l'avoir soutenu dans son combat acharné pour sauver l'entreprise Ford Blanquefort, à quelques kilomètres de Bordeaux. L'usine, qui comptait 800 salariés, a fermé ses portes en octobre. «Comment leur faire confiance après ça ?», s'interroge Philippe Poutou. Dans son entourage, on l'assure également : «Ce n'est pas une question de droite ou de gauche ! C'est une histoire de camp social.»

«Refus catégorique»

L'alliance avec le PS est tout particulièrement montrée du doigt, pour expliquer ce «refus catégorique» de s'allier : «On a toujours à l'esprit l'expérience Hollande. On a quasiment tous voté pour lui pour dégager Sarkozy avant de comprendre douloureusement que le Parti socialiste n'était plus du tout du côté des batailles sociales», poursuit l'ex-syndicaliste, qui dit «ne plus vouloir se faire avoir».

Ces dernières semaines, une enquête Ispos Steria, publiée le 18 juin et réalisée pour des médias locaux, a conforté l'équipe de Philippe Poutou dans sa stratégie. Le chef de file de Bordeaux en luttes y est toujours crédité de 11%. «On a résisté à la pression du vote utile, c'est déjà beaucoup. Maintenant, si on augmente, ça sera un exploit dans cette bataille inédite», pointe Philippe Poutou. L'«objectif idéal», selon lui, serait d'obtenir quatre places au moins au conseil municipal. Ou plutôt le «parlement bordelais», comme les colistiers de Bordeaux en luttes préfèrent l'appeler. «Tout le monde à Bordeaux, même la droite, s'attend déjà à des conseils beaucoup plus animés. Mais attention, on ne veut pas "s'infiltrer" et '"faire du bruit'" pour faire un petit spectacle. On aimerait surtout exister politiquement et avoir de l'efficacité dans ce qu'on va faire. Et mener le bras de fer que tout le monde attend d'une opposition digne de ce nom.»