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Lille, Bordeaux

Les élections pour la tête des métropoles ressemblent à un troisième tour des municipales

De nombreuses intercommunalités et métropoles élisent ce jeudi leur exécutif. A Lille, la bataille municipale a laissé des traces et le suspense est entier tandis qu'à Bordeaux, le maire écolo joue le rapport de force.
Le nouveau maire de Bordeaux, Pierre Hurmic, le 3 juillet. (Photo Thibaud Moritz pour Libération)
par Stéphanie Maurice, correspondante à Lille et Eva Fonteneau, correspondante à Bordeaux
publié le 9 juillet 2020 à 8h11
(mis à jour le 9 juillet 2020 à 10h36)

Les élections à la tête des métropoles sont une sorte de troisième tour des municipales. Un enjeu majeur pour les maires nouvellement élus tant cet échelon concentre de plus en plus de pouvoirs. Le point à Lille et Bordeaux.

A Lille, on remise les étiquettes 

A la métropole européenne de Lille (MEL), on vote jeudi pour élire le président de cette instance qui rassemble 95 communes pour un budget de 1,8 milliard d'euros. Selon toute vraisemblance, ce ne sera ni Martine Aubry, réélue d'un cheveu maire de Lille le 28 juin, ni Gérald Darmanin, tout nouveau ministre de l'Intérieur et maire LREM de Tourcoing. Aucun de ces deux poids lourds ne brigue le poste : ils ne rassemblent pas assez de suffrages pour y prétendre sans s'abîmer. Le président sortant de la MEL, Damien Castelain, maire de Péronne-en-Mélantois, reste donc le favori, malgré sa mise en examen pour recel d'abus de biens sociaux dans l'affaire du Grand stade de Lille. Sa force ? Son groupe Métropole passions communes (MPC), 69 membres à ce jour, qui rassemble les petits maires, généralement non encartés, de la métropole. Il ne lui manque que 26 voix pour atteindre la majorité absolue des 188 élus communautaires.

Le maire de Marcq-en-Barœul, Bernard Gérard (divers droite), lui a donné son soutien, ignorant les appels du pied de Métropole avenir, un nouveau groupe présidé par Gérald Darmanin, qui affiche une quarantaine de membres. Le groupe socialiste a lui aussi annoncé son soutien mercredi à Castelain. Il compte 35 élus, dont Martine Aubry. Roger Vicot, le président du groupe, se défend de toute alliance de circonstances, rappelant la bonne vieille tradition de la métropole, portée par Pierre Mauroy : remiser les étiquettes politiques pour travailler ensemble autour d'un projet. Certes, mais on peut s'étonner du choix de Castelain, plutôt que de Rudy Elegeest, également candidat à la présidence, maire de Mons-en-Barœul et homme de gauche. La candidature de principe déposée par les Verts (qui ont dix élus) avec Pauline Ségard, conseillère d'opposition à Villeneuve-d'Ascq, séduit encore moins les socialistes : la bataille municipale lilloise a laissé des traces. La liste de Stéphane Baly a même engagé un recours pour contester la victoire de Martine Aubry, qui l'a finalement emporté par 227 voix d'écart. Gérald Darmanin et son groupe n'ont pas encore fait part de leur choix. Il ne manquerait plus qu'ils se décident pour Rudy Elegeest : ils achèveraient d'égarer les citoyens tentant d'y comprendre quelque chose.

A Bordeaux, Hurmic veut casser la cogestion

A Bordeaux, l'élection surprise du candidat écologiste Pierre Hurmic, qui met fin à soixante-treize ans de gouvernance à droite, fait trembler sur ses assises le groupe majoritaire de la métropole : Communauté d'avenir. Il rassemble les élus Les Républicains, Modem, les Centristes, l'UDI, LREM, le Parti radical ou les divers droite. Le second tour a également entièrement rebattu les cartes à l'échelle métropolitaine : désormais, sur 28 communes, 17 sont acquises aux verts et roses, 11 à la droite et au centre. «Et l'enjeu est énorme. La métropole bordelaise, c'est un budget d'1,5 milliard. C'est là aujourd'hui que se trouve l'essentiel des ressources, des compétences et, en dehors de la commune de Lyon, la légitimité politique», pointe Jean Peteaux, politologue à Sciences-Po Bordeaux.

Ils sont donc nombreux ceux qui, dans les coulisses, parlent d'un «troisième tour». Entre inquiétudes et convoitises, les stratégies s'élaborent depuis quelques jours et deux visions semblent s'affronter avant le scrutin du 17 juillet. Les élus socialistes devraient endosser le rôle de faiseur de roi. D'un côté, Alain Anziani, maire de Mérignac (PS) , a été adoubé par l'ancien président Patrick Bobet (LR). Il se dit favorable à une cogestion avec la droite, solidement établie depuis les années 70, et encourage l'autonomie des maires. Leur mantra : essayer de concilier tous les intérêts car «tout le monde a besoin de tout le monde». La circulation des automobilistes et la question du maintien de la navette Air France avec Paris cristallisent notamment les tensions.

De l'autre côté, Pierre Hurmic veut casser cette cogestion qu'il considère «morte» pour aller vers une ère nouvelle. Quitte à provoquer une crise. Elle serait un frein aux ambitions écologistes. Il dénonce «l'ancien monde» ainsi qu'un «un troc entre les maires de l'agglo», comme rapporte le journal local Sud Ouest. De jeunes maires de gauche, à la fibre écologiste semblent déjà être séduits. «C'était un axe fort de sa campagne», commente Jean Peteaux. Il note au passage un glissement dans la sémantique chez certains élus avant la répartition des sièges : «On commence à parler de "coopération". Une nouvelle étiquette qui passe mieux. Dans tous les cas, sans la majorité, il ne pourra rien faire. Il faut avoir les moyens de ses ambitions», tranche le spécialiste.