On a toujours le temps de prendre une belle photo de famille. Moins d'un mois après leur élection, une vingtaine de maires écolos et socialistes ont réussi à se rendre disponibles mardi pour une journée d'échanges et de travail à Tours. L'initiative revient à Emmanuel Denis, le nouvel édile (EE-LV) de la ville, qui a mis les petits plats dans les grands pour l'occasion, appelant de ses vœux la création d'une association de villes «de la social-écologie». Venu accueillir ses homologues à la sortie du train, le maire élu sous l'étiquette écolo mais venu des rangs socialistes les a escortés jusqu'à l'hôtel de ville, où un temps de travail interdit à la presse était prévu avant de prendre la pose devant les photographes et de déjeuner dans une guinguette sur les bords de la Loire.
A lire aussiMaires EE-LV : «Ce ne sont pas des vieux routiers mais ils ne sont pas novices non plus»
Ambiance décontractée dans le hall de la mairie : certains élus se voient pour la première fois, comme Jeanne Barseghian (Strasbourg) et Pierre Hurmic (Bordeaux), les cabinets échangent les numéros de téléphone. «Ça fait du bien de voir des visages derrière la boucle WhatsApp», se réjouit Hurmic, qui s'est emparé du siège de Chaban-Delmas et Juppé le 28 juin. Pour lui comme pour sa nouvelle amie strasbourgeoise, l'objectif de cette journée est clair. «Nous sommes ici pour échanger sur notre expérience et peser pour faire entendre la voix des territoires», prévient Jeanne Barseghian, reprenant possession d'un mot et d'un concept repris à toutes les sauces par le nouveau Premier ministre. Et poser les premiers jalons d'une alternance en 2022 ? «Ce n'est pas pour ça que je suis là», tranche la Strasbourgoise. Pareil pour Pierre Hurmic : «Pour moi c'est une réunion de travail». Tout est dans le «pour moi».
«Nous sommes des faiseux»
A entendre Anne Hidalgo et Eric Piolle, qui ont pris le train ensemble pour arriver à Tours, les ambitions présidentielles ne sont absolument pas à l'ordre du jour de ce rassemblement. «Je ne suis pas candidate en 2022», a répété la maire de Paris, assise à côté de son homologue de Grenoble. Et ce réseau de villes écolos et socialistes «n'est pas une écurie», a-t-elle ajouté visant sans le nommer Bruno Bernard, président de Lyon Métropole, qui a lui aussi fait le déplacement à Tours mardi, contrairement au nouveau maire écolo de Lyon, Grégory Doucet. En guise de comité d'accueil, Bernard a en effet pris soin d'écarter toute idée d'un soutien écolo à la candidature d'Anne Hidalgo dans une interview au Journal du dimanche. «Il n'a pas parlé comme un élu local mais comme un responsable politique», réplique la première magistrate de Paris qui met en garde «ceux et celles qui pensent qu'ils peuvent gagner seuls l'élection». La rencontre d'aujourd'hui ? «Nous sommes des faiseux, des gens qui agissent et veulent aller très vite sur l'écologie comme sur le social», affiche Anne Hidalgo, qui est loin d'être la seule socialiste sur place mardi. Nathalie Appéré (Rennes), Johanna Rolland (Nantes) ou le nouveau maire PS de Nancy, Mathieu Klein, sont de la partie.
L'initiative n'est pas dirigée contre les partis mais à côté d'eux, explique celle qui confie être «toujours au PS même si [elle n'y est] pas active du tout». Son rôle : peaufiner l'alliage entre écolos et sociaux-démocrates «pour faire en sorte que cette réalité apparaisse dans le paysage politique». N'en déplaise à d'autres participants à la rencontre tourangelle, donc, la maire de Paris a bien dans l'idée de jouer un rôle national : «Notre réseau a vocation à être un contrepoids et un contre-pouvoir du gouvernement.»
Piolle à la manœuvre
Une ligne partagée par le maire de Grenoble. A ceci près qu'Eric Piolle ajoute un objectif à la journée de mardi : «La clarification des pratiques politiques.» Comprendre : si tous les maires socialistes n'ont pas été invités, c'est qu'il y a une bonne raison. «On a vu que le PS est encore capable de faire des fronts anti-écolos», rappelle-t-il, amer. Vendredi, au terme de très longues heures de négociations, son candidat à la présidence de la métropole grenobloise a été battu par le président sortant ex-socialiste et ancien allié de la majorité écolo. Christophe Ferrari a dû pour cela compter sur des voix de la droite et de LREM, privant le maire de Grenoble d'un très important levier d'action. Piolle comprend donc l'avertissement du président de Lyon Métropole, Bruno Bernard, comme un appel à «ne pas refaire le PS des trente dernières années».
A observer Eric Piolle, on comprend vite qu'il est à la manœuvre pour rapprocher les maires écolos de leurs homologues socialistes. Dans le hall de l'hôtel de ville, il est presque plus chez lui qu'Emmanuel Denis. C'est d'ailleurs son équipe qui bloque l'accès aux journalistes. Craint-il que certaines dissensions ne s'affichent trop ouvertement au sein de la réunion de travail ? «J'étais plus à l'aise quand nous étions seulement entre Verts», confie une des participantes qui regrette le temps des boucles WhatsApp monocolores lancées par Piolle l'été dernier, avec toutes les têtes de listes EE-LV. «Je me dis que ça ne coûte rien de venir, je prends ce qu'il y a à prendre», ajoute-t-elle méfiante. Un réseau de villes écolos et sociales au mieux. Un numéro de séduction signé Eric Piolle au pire.