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Reportage

Jean-Louis Borloo : «Je suis encore capable d’en emmerder quelques-uns»

L’ancien ministre de la Ville, auteur d’un rapport en 2018 sur les quartiers prioritaires enterré par Emmanuel Macron, a inauguré jeudi un espace portant son nom à Chanteloup-les-Vignes, dans les Yvelines. Devant ses fans, il en a profité pour alerter contre le «délitement de la République».
Jean-Louis Borloo à Chanteloup-les-Vignes (Yvelines) en juillet 2018. (Marc CHAUMEIL/Photo Marc Chaumeil pour Libération)
publié le 2 octobre 2020 à 11h10

Jean-Louis Borloo en fresque murale, ça ne s’invente pas. Catherine Arenou, la maire de Chanteloup-les-Vignes (Yvelines), l’a fait. Jeudi soir, en présence de l’intéressé et d’officiels comme Valérie Pécresse, présidente de la région Ile-de-France, ou Pierre Bédier, le patron du département, l’édile divers-droite a coupé le ruban du tout nouvel espace Jean-Louis Borloo. Sur la façade en verre toute neuve, donc, une fresque où l’ancien ministre de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy apparaît dessiné à la manière des figures inspirantes de l’Histoire, comme Rosa Parks ou Martin Luther King. A Chanteloup, c’est le créateur de l’Agence nationale de la rénovation urbaine (Anru) qui est célébré. La preuve, l’espace qui porte son nom doit servir de «maison des projets», où seront expliquées aux habitants les étapes de la rénovation du quartier de la Noé, réputé sensible. A commencer par la création de la cité éducative Simone-Veil, prévue pour 2024, destinée à effacer les stigmates de l’incendie criminel qui avait détruit une école maternelle il y a deux ans.

Un peu à l'ouest, comme d'habitude, chandail rose sur chemise blanche sans cravate, Jean-Louis Borloo accepte l'hommage sans fanfaronner, l'émotion à fleur de peau. Le problème avec les hommages, c'est qu'ils sont plus souvent rendus à des morts qu'à des vivants. L'intéressé semble en être conscient, qui s'autorise une petite mise au point humoristique quand vient son tour de parole. «J'ai un peu d'émotion parce que je suis encore vivant et je suis encore capable d'en emmerder quelques-uns», glisse-t-il avec malice. Il ne s'agit apparemment pas du président de la République, qui doit faire ce vendredi matin un discours aux Mureaux, à quelques kilomètres seulement de Chanteloup, sur le thème du «séparatisme». «Moi je ne suis pas dans un débat de savoir si c'est ce gouvernement ou un autre... Je n'ai pas la vulgarité de faire ça», balaie sans rancune Borloo qui a tout de même vu son rapport sur les quartiers prioritaires passé à la broyeuse par Emmanuel Macron, il y a deux ans, au prétexte que deux «mâles blancs» ne seraient pas capables de résoudre les problèmes des banlieues.

Héritiers à la peine

L'ancien ministre délivre quand même quelques vagues conseils, formes de sermon laïc où l'on voit poindre de l'inquiétude sous l'optimisme affiché coûte que coûte : «La France est à la croisée des chemins : ou on laisse se faire le délitement de la République, ou on décide de refaire Nation. J'ai envie de dire qu'on peut le faire, on sait le faire et si on ne le fait pas, il y a un très grand danger.» Ne manque plus, peut-être, que la volonté politique.

A la tribune, celui qui assure le spectacle, c’est Pierre Bédier, le président du département. Il donne du «adorable Catherine» à la maire de Chanteloup, se déclare fiancé avec une militante associative d’un âge certain et commence son discours par «Je déteste Jean-Louis Borloo.» Effet assuré, rires de circonstance. Ce qui ne l’empêche pas de tresser des lauriers sur la tête du fondateur de l’UDI : «L’Anru est une idée géniale mais aujourd’hui, ça ne marche pas comme ça devrait car il n’y a pas le portage politique nécessaire.» Ou encore : «Personne n’a jamais remplacé Jean-Louis Borloo.» Valérie Pécresse, elle, rappelle que «tout a commencé ici, à la Noé, au début des années 2000. Nous sommes les héritiers de Jean-Louis Borloo, on est les enfants de sa politique.» Des héritiers qui cherchent toujours la martingale pour poursuivre l’œuvre de l’un des principaux artisans de la politique de la ville.