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Libération
Portrait

La comète Allen

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Woody Allen, 60 ans cette année, a encore assez d’humour pour expliquer sans rire la différence entre «hypocondriaque» et «alarmiste». Son dernier film, «Coups de feu sur Broadway», est un antidote à la question existentielle qui le taraude: Woody Allen est-il vraiment un artiste?
Woody Allen à New York, en septembre 1993. (TIMOTHY A. CLARY/AFP)
publié le 13 janvier 1995 à 0h19
(mis à jour le 13 janvier 1995 à 0h19)

La planète Allen est de passage sur l’Hexagone, après avoir quitté un instant son orbite géostationnaire dans la constellation de Broadway, avec vue plongeante sur Central Park. Confondue avec son habitant exclusif ­un type légèrement décalé se décrivant affectueusement comme un «juif paranoïaque libéral, chauvin male, misanthrope pharisaïque, nihiliste désespéré»­ la planète a parfois de menus accidents interstellaires, comme en témoigne sa récente collision avec une de ses lunes, Mia Farrow. Mais elle a surtout la particularité de nous expédier sur bande celluloïd un bulletin de santé quasi annuel depuis un quart de siècle sur l’état de la terreur existentielle que lui inspire sa finitude dans la grande soupe cosmique.

Débusqué à la verticale de l’hôtel Ritz à Paris, Woody Allen est une planète miniature qui vous tend un bout de main sismiquement sec. Ce corps enfoui sous un chandail shetland ras du cou et un pantalon de velours de khâgneux attardé, cet air morne derrière ses hublots troubles: voilà bien l’introverti pétri d’angoisse tombé de son divan freudien décrit par tant de rapports astronomiques. On s’effarouche comme des premiers communiants à l’idée de voir une super nova et voilà Woody Allen s’étonnant lui-même d’être pris pour un astre. «Je sens que j’ai eu une vie chanceuse, un bout de talent et c’est bien comme ça...» On suppute alors l’affreuse vérité: la planète Allen est probablement habitée par un être humain. L’immarcescible étoile va même av