Andrew Sullivan préside toutes les semaines à la mise à feu d'une
joyeuse torpille intellectuelle. La différence qui compte à Washington est celle qui, aux hasards du courrier, distingue ceux qui lisent New Republic le samedi de ceux qui ne peuvent le faire que le lundi. Cet hebdomadaire physiquement modeste (46 petites pages de texte serré, sans photos et pratiquement sans publicité) s'est fait une spécialité de la pensée politique iconoclaste, ravageant avec équanimité les idées ou les hommes de la gauche démocrate traditionnelle (à laquelle il appartient par tradition) et les leaders ou programmes de la droite conservatrice républicaine.
Le directeur de la rédaction de ce petit monument de la vie politico-intellectuelle américaine est britannique de passeport. Il a 31 ans et préside aux destinées de l'hebdomadaire depuis quatre ans. Il est courant d'ajouter à son propos qu'il est aussi homosexuel, et sérieusement catholique.
C'est peu dire qu'un tel profil a surpris lorsque Sullivan a été appelé en 1991 à la tête de l'hebdomadaire par son propriétaire, Martin Peretz, professeur à Harvard qui avait racheté dans les années 80 cette institution de la presse de gauche, fondée en 1914. Les portraits d'Andrew Sullivan publiés à l'époque soulignaient immanquablement qu'un jeune homosexuel «conservateur» avait été nommé à la tête de New Republic comme si l'on avait atteint là le comble du paradoxe iconoclaste. «L'épithète m'a sans doute été accolé parce que je prends ma religion