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30 ans, 30 portraits

Bernard-Henri Lévy et Arielle Dombasle, une romance

30 ans, 30 portraitsdossier
Lui, 47 ans, «la figure du Prince». Elle, 38 ans, «son adorable silhouette».
Arielle Dombasle et de Bernard-Henri Levy à Paris, le 8 août 1996. (Françoise Huguier/Rapho)
publié le 9 août 1996 à 9h49
(mis à jour le 3 décembre 2024 à 7h06)

1994-2024. Les portraits de der de «Libé» célèbrent leurs 30 ans au fil d’un calendrier de l’avent un peu spécial : 30 ans, 30 portraits. A cette occasion, nous vous proposons chaque jour de décembre, de rédécouvrir un de ces portraits (et ses coulisses), balayant ces trois décennies, année par année. Aujourd’hui, rendez-vous en août 1996, avec un épisode iconique de notre série estivale d’alors «La vie à deux».

Décor. La Colombe d’Or, Saint-Paul-de-Vence. Chambres décorées avec beaucoup de goût provençal. Piscine émeraude, figuiers, magnolia. Clientèle de néo-Montand à mocassins blancs, et de jeunes femmes gréée par Prada. 1250-1450 francs.

Personnages. Monsieur : Lévy (Bernard-Henri, Georges). Ecrivain, philosophe. Né le 5 novembre 1948 à Béni Saf (Algérie). Fils d’André Lévy, président de société, et de Ginette Siboni. Marié le 19 juin 1993 à Mlle Arielle Sonnery, dite Arielle Dombasle. Madame : Dombasle (Arielle), pseudo de Sonnery de Fromental (Arielle, Laure, Maxime). Née le 27 avril 1958 à Norwich, Connecticut, Amérique. Fille de Jean-Louis Sonnery de Fromental, industriel, et de Mme née Francion Garreau-Dombasle. Avec Dédé, le serveur de la Colombe d’Or, Françoise Giroud et Jean-Paul Enthoven.

Costumes. Le BHL d’été porte chemise blanche déboutonnée de haut en bas sur torse hâlé qu’il caresse parfois, large pantalon blanc, espadrilles de toile. Arielle, belle plante à la Brenot écussonnée d’un Bikini argenté, tout en joliesse jusqu’aux pieds délicats.

Dialogues. Monsieur et madame se vouvoient. Monsieur demande à relire toutes les phrases entre guillemets. «Envoyez-moi un fax, 93.32.77.78 Je me sentirai plus libre.» Liberté très surveillée. A Madame, la veille, il a conseillé de ne pas parler à tort et à travers.

Prologue. Madame : «La première fois que j’ai vu l’image de BHL sur un livre, elle m’a foudroyée. C’était la Barbarie à visage humain (1977). J’étais en transe. La figure du Prince !»

Monsieur. La première fois que BHL a vu Arielle, il signait des livres. «C’est triple off.» Donc cette adorable inconnue avec sa beauté étrange lui tend un exemplaire. Dédicace : «Pour Arielle Dombasle, en attendant.» «Je ne l’ai pas revue pendant des années. Elle avait 18 ans. Ne mettez pas ça dans ma bouche.» Mignonne, la bouche, presque féminine. Arielle l’invite à venir au théâtre, où elle joue la Petite Catherine de Heilbronn. BHL se défile : cette beauté lui semble bizarre, inquiétante. Il est «frappé et épouvanté». «Ne mettez pas ça entre guillemets.» Frappé et épouvanté, donc.

Premières auditions. Monsieur : Notre vraie rencontre, c’est à Milan, dans la rue. Je sortais d’un colloque sur la psychanalyse, elle d’un magasin de chaussures en face de la Scala de Milan. «Pas entre guillemets.»

Madame : «Nous nous sommes rencontrés sur un trottoir, lui en compagnie d’un psy, rencontre-t-on son grand amour sur un trottoir ?» Entrée de l’époux. Elle écrase sa Royale. «Je n’ai pas le droit de fumer.» Bisous-roucoulis voussoyés, on the record.

Scoop. Monsieur : «Le jour de la création de SOS Racisme, conférence de presse au Lutetia. J’avais ensuite un rendez-vous secret avec Arielle. La conférence de presse s’est éternisée. Et qui je vois, enjambant les câbles de son adorable silhouette ? ELLE. J’étais furieux. Elle s’assoit au premier rang. Les photographes mitraillent. Le Nouvel Observateur a fait la une avec le logo de l’association. En photo intérieure, Elle apparaissait en marraine de SOS Racisme… Ma petite Arielle, alors si étrangère à tout ça !»

Madame : «La femme cachée souffre beaucoup. Comme lorsqu’on entre en religion : j’ai su qu’il y avait le salut à la fin. On vit dans les hôtels, sans amis communs. On rêvasse, se réfugie dans les héroïnes littéraires. Un parcours douloureux. Ce manque, cette attente, l’abracadabrant échafaudage de mensonges : on vit dans une irréalité très forte. Mais comme ma vie est irréelle…»

La vie est un roman. Madame : «J’ai une double vie à vivre, la mienne et celle de ma mère, morte à 32 ans. Une toute petite existence, toute courte. La part d’elle en moi doit vivre une vie splendide. Deux femmes dominent mon inconscient. L’une, ma mère, l’ange. L’abnégation, la douceur, l’harmonie. L’autre, la seconde épouse de mon père : conquérante, luxueuse, guerrière. La douce est morte, l’autre a triomphé. Je me suis toujours dit : quelle femme faut-il être ?»

Monsieur : «J’ai écrit des romans grâce à Elle. C’est pas off. Elle est quelqu’un d’incroyablement romanesque, un roman à elle seule. Le Mexique, son éducation…»

Tranche de vie. Tout le jour, Arielle attend Bernard-Henri, occupé à monter un film. Le matin, elle piscine, en faisant à Françoise Giroud la lecture du dictionnaire des citations. «En arrivant dans le néant, il a dû se sentir chez lui» (Jules Renard). L’après-midi, elle regarde des vidéos. A table : «Chéri, c’est tellement gentil à vous de prendre le temps de déjeuner avec nous.»

Monsieur : «Arielle est généreuse. Elle m’écoute toute la nuit. Plus tard, je m’aperçois qu’elle avait une scène délicate à jouer le matin.»

Madame : «Never explain, never complain», telle est la devise d’Arielle.

Dédé : «Il fait un temps sexytant.»

Infomercial. Monsieur : «J’aime Arielle comme peu d’hommes aiment une femme. Mais je ne crois pas à l’amour. Je l’aime, elle. La constance de mes sentiments m’étonne. L’amour est assez navrant. Contrairement à ce qu’ils croient, les êtres amoureux sont en dessous d’eux-mêmes.»

Madame : «Je dois dire, ma vie est assez splendide ! J’ai toujours imaginé que l’amour serait la grande affaire de ma vie. Le rêve s’accomplit.»

Du syncrétisme amoureux. Elle : «Mon mari, c’est la morale au poste de commande. Elle est son sex-appeal. J’admire son courage, non seulement physique, entrer dans des causes si violemment, avec tant de pensées et d’intelligence… Comme pour cette Bosnie…»

Lui : «Nous sommes un cas assez chimiquement pur de couple heureux, dont les univers sont quasi étrangers l’un à l’autre. On ne peut être plus différents. Elle chante, je ne supporte pas la musique. Elle aime les chats, je les déteste. Son esthétisme préraphaélite est le contraire de ce que j’aime. Elle est catholique, je suis athée, juif, et c’est important pour moi. Elle a même déclaré dans le Monde, durant la campagne électorale, que Balladur était sympa…

«J’aime sa forme de marginalité à elle. C’est off the record, mais elle n’est pas dans la norme. Elle affiche une indifférence royale à ce que l’on dit d’elle, c’est même extravagant. Moi, moins…» Avant d’entrer dans le monde, parfois, il lui dit : et surtout ne faites pas votre sourire américain.

Fiche critique. Par Jean-Paul Enthoven, éditions Grasset, rue des Saints-Pères, Paris, futur beau-père de Justine, fille de BHL. «Bernard veut faire de sa vie un roman. Romain Gary, Hemingway, Fitzgerald. Pour la transformer en chef-d’œuvre, il sature les cases de l’échiquier. Malraux faisait la guerre en Espagne ? Il va en Bosnie. Il aimait Delon, enfant ? Il le choisit pour son film. Arielle et Bernard, c’est Scott et Zelda. Il y a tout : les décors, le Midi, le sens de la fête, l’évidence de la passion».

Making-of: l'été, le moment d'expérimenter

L’été venu, le déroulé des portraits classiques s’interrompt. L’actualité sieste et les candidats à la Der ont souvent piscine. Avant le mois d’août, la prévoyante rubrique Portraits engrange donc de quoi passer la basse saison. Cela s’organise en trois séries d’une semaine chacune environ. Une thématique est retenue. Il y aura des «fils ou filles de», des «que sont-ils devenus?» et aussi des portraits imaginaires de stars anciennes ou de mythes éternels, parfois rédigés par des écrivains extérieurs à la rédaction. C’est souvent le moment d’expérimenter, tant la licence est plus facile en été. En cet été 1996, les duos s’imposent. Marie-Dominique Lelièvre s’intéresse à un couple très visible, celui de Bernard-Henri Lévy et d’Arielle Dombasle. Elle passe un long moment en leur compagnie à la Colombe d’Or, à Saint-Paul-de-Vence. La copie est particulière et ambitieuse. Elle se souvient: «On essayait de tenter des trucs différents. Parfois je pensais que ça ne passerait pas, mais ça passait.» Découpage, mise en scène, dialogues, souvenirs de l’un et de l’autre qui se télescopent. Oui, c’est différent et… stimulant.

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